ARLES
Le 3 juillet débute la 48e édition des Rencontres d’Arles. Son directeur éclaire les choix qui ont déterminé cette nouvelle programmation attendue par des milliers de visiteurs prêts à sillonner la ville tout l’été pour ce rendez-vous de la photographie.
Né en 1973 à Paris, historien de l’art de formation, spécialiste de la photographie et commissaire d’exposition indépendant, il a dirigé le Musée de l’Élysée à Lausanne à partir de 2010 avant de prendre la tête des Rencontres d’Arles en 2014. Sa troisième édition est marquée par la présence accrue d’institutions ou de commissaires d’expositions.
LE BAL participe pour la première fois aux Rencontres d’Arles avec Kate Barry. Simon Baker, responsable de la photographie à la Tate Modern, y revient avec la première rétrospective en Europe de Masahisa Fukase, mais cette fois sans la casquette de la Tate. Que faut-il voir dans cette évolution ? La possibilité de réaliser des projets que certaines institutions ne pourraient peut-être pas faire dans leur lieu. Arles est un terrain de jeu formidablement libre, il permet toute forme d’expérimentation. Et puis il y a des expositions comme « Jean Dubuffet, l’outil photographique ». Nous y travaillons depuis un certain temps avec la Fondation Dubuffet et le Musée de l’Élysée. Elle aurait pu être une exposition pour une grande institution internationale. Elle est à Arles. J’en suis ravi.
Quand on dit qu’Arles se muséifie, s’institutionnalise, que répondez-vous ?
Je dis allez voir Mathieu Pernot, l’installation de Roger Ballen, Monsanto, les expositions de notre nouvel espace Croisière… On n’a pas l’infrastructure pour l’institutionnalisation. Nos conditions d’exposition sont trop compliquées, mais un beau défi. Nous repartons de zéro chaque année. Le festival est beaucoup plus proche de l’esprit d’une troupe de théâtre qui construit ses décors, adapte sa mise en scène. D’où l’importance aujourd’hui du commissariat au sein du festival ?
C’est un enjeu central. Arles est le festival des photographes, mais aussi celui des expositions de photographie et des pratiques curatoriales. Ce sont les commissaires qui font les expositions. Parfois le photographe a ce talent, tel Mathieu Pernot. Pour d’autres, c’est un accompagnement nécessaire. Il n’y a pas assez de commissaires spécialisés en photo en France. C’est une des responsabilités des Rencontres que de les faire émerger. Pour savoir faire des expositions, il faut en faire. En la matière, aucun enseignement ne remplacera la pratique.
Comme c’est le cas pour la Bibliothèque nationale de France avec « Dans l’atelier de la Mission photographique de la Datar », préambule à « Paysages Français. Une aventure photographique 1984-2017 » prévue cet automne à Paris, le festival ne devient-il pas aussi pour les institutions la tête de pont de leurs événements à venir ?
Absolument. À la fois nous l’avons cherché et cela nous surprend. Quand j’ai mis en place le projet pour lequel j’ai été nommé, j’ai fait le pari qu’il y avait à Arles de la place pour un certain nombre d’institutions qui n’arrivaient pas à montrer chez elles ce qu’elles voulaient ou de la manière dont elles le désiraient. Ce pressentiment, je l’avais via leurs conservateurs. Il se confirme malgré des espaces d’exposition qui ne sont pas toujours aux normes.
Faut-il reconnaître aussi votre parcours dans cette évolution ?
Je connais effectivement bien le monde muséal et celui des galeries.
D’où la présence de plus en plus prégnante de ces acteurs dans la programmation, en particulier dans la reconfiguration du Prix Découverte ? Oui, car ils sont des révélateurs importants de la photographie. J’assume la direction artistique des Rencontres, pour autant nous nous entourons de l’expertise de toute une série d’acteurs de la photographie susceptibles de proposer des artistes que nous ne sommes pas capables d’identifier. Quand la chaîne Arte me contacte pour me dire qu’elle produit un film sur la jeune scène photographique iranienne (Focus Iran l’audace du premier plan diffusé le 9 juillet sur Arte, ndlr), nous avons saisi l’occasion pour demander à la galeriste Anahita Ghabaian et à la photographe Newsha Tavakolian d’en assurer le commissariat.
Quand Luma Arles programme entre autres Annie Leibovitz, ne craignez-vous pas que la démultiplication des propositions photos brouille votre programmation, voire vous fasse concurrence ?
Nous n’y voyons pas de concurrence. Nous n’avons pas vocation à tout couvrir. Gérer des archives n’est pas la mission d’Arles. Le public, lui, ne fait pas vraiment la distinction entre les différents acteurs de la ville. L’important pour lui est de pouvoir accéder facilement dans les lieux. L’exposition Annie Leibovitz a rejoint le programme associé. Pour la découvrir, les visiteurs doivent s’acquitter d’un supplément de 3 euros dans le prix de leur forfait.
Il s’agit bien d’une première toutefois dans l’histoire de vos relations ?
Le projet des Rencontres n’est pas celui de Luma. Luma a été un partenaire très important pour le festival. Il le demeure notamment par la mise à disposition d’espaces au Parc des Ateliers (le fonds de dotation de Maja Hoffmann met à disposition Les Forges et la Mécanique, ndlr), mais avec des temps d’informations sur la disponibilité ou non des lieux qui deviennent incompatibles avec nos propres exigences. Les époques évoluent. La question de la mise à disposition des espaces est centrale pour la réussite du festival. Le nouveau lieu Croisière en centre-ville, c’est Actes Sud qui le met à notre disposition, ainsi que les espaces du Méjean, pour la première fois incorporés à la programmation avec La Vuelta et ses 28 photographes et artistes colombiens. Dans le passé, le visiteur a dû parfois s’acquitter d’un billet pour accéder aux expositions d’Actes Sud. Vous voyez, rien n’est figé…
À la différence des autres directeurs des Rencontres vous êtes un acteur impliqué dans la politique culturelle du département. Vous faites partie du comité d’orientation de Marseille Provence 2018 (MP18). Pour quelles raisons ?
Je suis de là où je travaille. À Lausanne, j’ai fait partie intégrante de la vie culturelle et locale. À Arles, c’est pareil. Le festival est un acteur régional important, nous avons énormément de choses à dire sur le territoire et à faire avec lui. On ne peut pas s’intéresser au bouillonnement politique de l’Iran ou de la Colombie et ne pas regarder ce qui se passe en bas de chez nous. Dans la programmation un certain nombre de projets font échos au territoire. Cette année, c’est Mathieu Pernot et son travail sur une famille gitane d’Arles. Une de nos grandes fiertés est de voir la fréquentation du public arlésien croître dans les mêmes proportions que la fréquentation générale, passée de 2014 à 2016 de 83 000 à 104 000 visiteurs, soit plus 25 % en deux ans.
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Sam Stourdzé : « Arles est un terrain de jeu formidablement libre »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°482 du 23 juin 2017, avec le titre suivant : Sam Stourdzé : « Arles est un terrain de jeu formidablement libre »