Art moderne

XIXE SIÈCLE / VISITE GUIDÉE

Sakountala, une sculpture centrale dans l’œuvre de Camille Claudel

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 2 janvier 2025 - 510 mots

Construit autour de cette sculpture, le parcours raconte la genèse de sa création et la reprise de ce modèle par l’artiste tout au long de sa carrière.

Nogent-sur-Seine (Aube). En 1888, Camille Claudel (1864-1943) expose pour la première fois une sculpture monumentale au Salon des artistes français, le groupe Sakountala (1888). Pour le cent-soixantième anniversaire de sa naissance, le musée qui porte son nom montre, en s’appuyant sur près de cent œuvres et documents, son importance dans sa carrière. « Le sujet de cette sculpture m’interpelle depuis que je travaille sur Camille Claudel, révèle Cécile Bertran, directrice du musée. Pourquoi aller le chercher dans la littérature classique indienne et réaliser une œuvre non pas orientaliste mais universelle ? En outre, c’est la seule pour laquelle on conserve des esquisses et des photographies dans l’atelier, et Camille Claudel va la reprendre pendant toute sa carrière. J’ai voulu suivre ces trois pistes dans cette exposition. » Un fil rouge résumé dans le texte d’introduction accompagné d’une citation de Mathias Morhardt dans Le Mercure de France en 1898 : « Un jour, les admirateurs de Mademoiselle Camille Claudel l’iront chercher dans la retraite où il se trouve, ce beau groupe, et le placeront triomphalement parmi les plus purs chefs-d’œuvre de ce siècle. »

Dans la première salle, le plâtre original de Sakountala (voir ill.) (1888) voisine avec celui du Baiser (vers 1885) d’Auguste Rodin. Un essai de Chloé Ariot dans le catalogue montre que Claudel a voulu répondre au groupe de Rodin où l’homme domine : dans sa sculpture figurant des retrouvailles, elle présente Sakountala, debout, alanguie sur l’épaule de son mari agenouillé devant elle. Les documents sur la réalisation de l’œuvre – études de terre cuite, photographies, lettres – et un espace consacré à l’identification des modèles entourent le plâtre. Vient ensuite la présentation du texte fondateur, La Reconnaissance de Sakountala. En France, ce monument de la littérature mythologique indienne a fait l’objet de traductions publiées à partir de 1803. Le théâtre s’est emparé du sujet : un fastueux Costume de Douchanta (1935-1936) réalisé par Pierre Richard-Willm pour le Théâtre du Peuple de Bussang témoigne de la pérennité de l’œuvre jusqu’aux dernières représentations en 1960.

Dans la seconde partie de l’exposition est évoqué d’abord le Salon de 1888 où Sakountala a obtenu un succès critique et a valu à sa sculptrice la seule distinction de sa carrière, une « mention honorable ». La dernière salle montre l’utilisation par Claudel, dans la suite de son œuvre, du couple Sakountala-Dushyanta : on le trouve dans Vertumne et Pomone (1903-1905) et L’Abandon (1905). La figure féminine isolée est reprise dans Niobide blessée (1907). Ce bronze, installé dans une fontaine de la résidence du préfet maritime de Toulon, a été identifié en 1982, très abîmé, et porte les traces d’une restauration brutale. Quant au plâtre original de Sakountala, Claudel l’a offert en 1895 au Musée de Châteauroux. Relégué sans précautions en réserve, il a été redécouvert et sauvé en 1976 par l’historien Jacques Cassar. Définitivement amputé de trois bras et un pied, il raconte la fortune critique d’une artiste longtemps oubliée.

Camille Claudel à l’œuvre : Sakountala,
jusqu’au 12 janvier 2025, Musée Camille Claudel, 10, rue Gustave-Flaubert, 10400 Nogent-sur-Seine.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°646 du 3 janvier 2025, avec le titre suivant : Sakountala, une sculpture centrale dans l’œuvre de Camille Claudel

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