Ancien élève de Luciano Fabro à l’Académie de Brera de Milan, Bernhard Rüdiger partage avec son aîné une exigence intellectuelle et esthétique peu commune. Hostile à l’attitude dominante qui consiste à seulement décrire la réalité, il demeure convaincu que l’œuvre doit être l’occasion d’une expérience de vérité si elle arrive à imposer son propre langage, au prix d’un hermétisme qui la rend parfois impénétrable. Ainsi dans les deux grandes tours de plus de deux mètres exposées à Noisy-le-Sec, comme dans la Vierge nourricière actuellement montrée à New York à P.S.1, on perçoit les résonances formelles des œuvres constructivistes et futuristes. On pense aux constructions-machiniques d’un Boccioni, d’un Malevitch, d’un Schwitters ou d’un Tatlin. Rüdiger est fidèle, mais sans nostalgie, à leur élan utopiste.
Il montre ainsi qu’une œuvre peut être actuelle sans pour autant renoncer à dialoguer avec celles du passé et sans renoncer non plus à se projeter dans le futur. Ses travaux sont très différents les uns des autres (photos, vidéos, sculptures), mais sont toujours portés par le même élan faustien. Ses Quatre cauchemars, grands « tableaux photographiques », sont autant d’ouvertures, de perspectives « bouchées », obstruées sur un monde insaisissable, sombre et confus.
En contraste avec les images lisses et alléchantes qui flattent notre perception rapide du monde, elles semblent nous dire qu’il y a quelque chose qui résiste au regard et à la compréhension. Ce « réel » mystérieux apparaît parfois dans nos cauchemars et il est peut être plus vrai que celui que nous renvoient les simulacres parfaits dont notre environnement immédiat est saturé.
NOISY-LE-SEC, La Galerie, 20 novembre-5 février.
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Rüdiger et la vérité
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°511 du 1 novembre 1999, avec le titre suivant : Rüdiger et la vérité