« Quand on regarde certaines toiles, on ne peut s’empêcher de les trouver beaucoup trop léchées, parfois à la limite de la mièvrerie.
En même temps, je trouve que cette femme a le mérite de poser certaines questions importantes pour la compréhension de l’histoire de l’art du XXe siècle. » Voici comment la conservatrice Dominique Cante présentait la peinture de Rosa Bonheur, en 1997, à la caméra de France 3 venue l’interroger sur l’exposition dont elle était la commissaire au Musée des beaux-arts de Bordeaux. Il s’agissait alors de la première exposition d’envergure de l’artiste en France depuis la rétrospective organisée au Grand Palais en 1922 pour le centenaire de la naissance de Marie Rosalie, dite Rosa Bonheur (1822-1899). Vingt-cinq ans ont passé, et le Musée des beaux-arts de Bordeaux organise une nouvelle rétrospective de l’artiste dans le cadre, cette fois, du bicentenaire de sa naissance. Entre-temps, les toiles ont gagné en aspérité, quand la mièvrerie des sujets a cédé la place à une peinture « engagée ». Signe des temps, Rosa Bonheur n’est plus perçue comme la portraitiste des vaches, mais comme une femme libre, icône des combats actuels. « Elle est moderne, remarque Sophie Barthélémy, directrice du Musée des beaux-arts de Bordeaux. Son œuvre répond à toutes les causes d’aujourd’hui : le féminisme, la cause animale, l’intérêt pour les minorités… » Ainsi, Labourage nivernais, son chef-d’œuvre présenté dans la section « Les travailleurs de la terre », ne représente plus une banale scène agricole, mais « dénonce implicitement la maltraitance animale ». Les tableaux peuvent bien rester, le regard change. Et l’exposition bordelaise y contribue en ne présentant que « le meilleur » de l’artiste dans un parcours chrono-thématique aux résonances actuelles : l’éducation saint-simonienne de l’artiste, son affranchissement de l’emprise paternelle, son regard plein d’humanité sur les animaux, sa relation homosexuelle avec Nathalie Micas et Anna Klumpke, etc. L’exposition se termine même par sa rencontre avec Buffalo Bill, l’occasion pour elle de rappeler l’engagement de l’artiste en faveur des « minorités » amérindiennes. « J’ai une passion véritable pour cette race infortune et je déplore qu’elle soit appelée à disparaître devant les blancs usurpateurs », disait Rosa Bonheur. Elle aussi disparue, Rosa Bonheur réapparaît donc dans une rétrospective appelée à faire date, qui, après Bordeaux, ira prêcher la bonne parole à Paris, au Musée d’Orsay, du 18 octobre 2022au 15 janvier 2023.
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Rosa Bonheur enfin remise en selle
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°757 du 1 septembre 2022, avec le titre suivant : Rosa Bonheur enfin remise en selle