Ron Mueck - Pour : un art humaniste et troublant

Ce plasticien installé à Londres produit très peu, c’est un perfectionniste, il ne fabrique pas à la chaîne des « moules à gâteaux » (Picasso), il essaie pour chaque pièce de se surpasser, et cela se voit. Seulement neuf œuvres, pas une de plus, montrent aux visiteurs l’étendue de son talent pour traduire l’humain.
Parfaitement mis en scène, dans un décor épuré jouant sur les rapports d’échelle, ses personnages gargantuesques ou lilliputiens habitent la Fondation. On est médusé par le rendu ultraréaliste de ces figures humaines faites de moulages de silicone. Dans sa sculpture d’un couple à la plage comme dans celle d’un visage endormi, tout y est : la blancheur de la peau, les poils, les veines qui saillent… Autant de détails naturalistes qui donnent le vertige !
Mais au-delà du bluff d’un réalisme ahurissant, Mueck apporte quelque chose de nouveau. Ses personnages agrandis ou réduits échappent à la démarche ironique de ses prédécesseurs issus du pop art et de l’hyperréalisme. Il émane de ces sculptures silencieuses une spiritualité universelle : on éprouve de l’empathie, voire de la compassion pour elles. Les regarder produit très vite un effet miroir saisissant : en contemplant leur solitude existentielle, on est renvoyé soudain à son propre corps, si fort et si fragile, et à l’inquiétante étrangeté de son existence et cela, c’est très fort. Du grand art !