Au début des années 1890, alors qu’il goûte déjà une confortable reconnaissance, Rodin entame une activité enthousiaste de collectionneur, qu’il honorera jusqu’à sa mort en 1917.
Le résultat en est une collection démesurée, éclectique, riche de 6400 pièces dont près de 800 objets et sculptures antiques. Cette compilation d’objets de qualité inégale, où le moulage et la copie côtoient la rareté, échappe toutefois aux enjeux traditionnels d’une telle entreprise. Ni objet d’exposition, ni objet de spéculation, ni même répertoire formel dans lequel l’artiste piocherait à la demande, la collection d’antiques se comprend davantage comme une présence, une famille très particulière installée dans l’espace de vie du sculpteur, dialoguant avec ses propres recherches et productions. « Je passe du temps avec eux, ils m’instruisent (...) je crois les comprendre, je les visite continuellement, leur grandeur m’est douce. » écrit-il en 1905 à propos de ce décor de travail et de rêverie agissant comme miroir ou écho à son propre travail. Le Musée Rodin choisit à juste titre de transmettre l’atmosphère surpeuplée et disparate générée par l’accumulation de ces objets plutôt que de rendre compte de la particularité des 80 pièces sélectionnées. Des marbres ont ainsi été installés dans le jardin au grand air. Des fragments, documents et diverses photographies disposés dans le cabinet d’art graphique témoignent de l’espace saturé dans lequel baignait l’artiste. La section plus spécialement consacrée aux fragments de sculptures antiques est sans doute la plus éclairante. Elle opère comme une résonance au goût des positions outrées et acrobatiques, à l’expression de l’inachevé défendus par Rodin. On ne s’étonnera donc pas de rencontrer au gré du parcours, bras, jambes, bustes mutilés, visages brisés comme autant de confirmations de la démarche de Rodin, celle-là même qui attira les foudres de la critique. Celle-là même qui contesta la belle proportion, les canons classiques et la notion d’achèvement. C’est ce que propose d’illustrer l’exposition, sous la forme d’un portrait possible et nécessaire du sculpteur, à la lumière de son étonnante tribu de marbre.
PARIS, Musée Rodin, Hôtel Biron, 77, rue de Varenne, tél. 01 44 18 61 10, 22 octobre-26 janvier.
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Rodin : portrait d’un collectionneur
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°543 du 1 janvier 2003, avec le titre suivant : Rodin : portrait d’un collectionneur