MILAN / ITALIE
Après vingt ans d’absence, la manifestation créée en 1923 et arrêtée en 1996, reprend du service avec une 21e édition bien décevante.
MILAN - La Triennale internationale de Milan revient sur la scène du design. Déployée en une vingtaine de lieux de la capitale lombarde et alentours, cette édition 2016, qui a lieu jusqu’au 12 septembre, a choisi pour thème « le sens du design dans notre monde globalisé », focalisant notamment sur « la nature de plus en plus transversale du design et l’élimination des barrières disciplinaires entre architecture, aménagement urbain, design, paysage, communication, etc. » Bref, une thématique pour le moins fourre-tout, qui demandait à être examinée à la loupe.
Peu d’innovations
Le constat est malheureusement mitigé, sinon décevant, en particulier pour les expositions réputées phares. Ainsi en est-il de « W. Women in Italian Design » proposée par le Triennale Design Museum et rassemblant uniquement des créations signées par des femmes. Celle-ci multiplie les clichés, déployant par exemple, dès l’ouverture, une multitude de « travaux d’aiguille » – section Interveawe –, broderies, tissages et autres réalisés par des artistes ou femmes designers. La suite du parcours, capharnaüm de pièces souvent kitsch, parfois justes, dont le visiteur aura grand mal à trouver le fil conducteur, ne sauvera pas les « meubles ». Toujours au Palazzo della Triennale, décevante aussi l’exposition « Stanze » [« Pièces »], censée montrer, à travers onze « ambiances » ou aménagements intérieurs, d’autres « philosophies de “l’habiter” ». Philosophies difficilement identifiables, tant les réalisations se limitent à des effets décoratifs.
Idem, encore, avec l’exposition « Architecture as Art », sous la direction de Pierluigi Nicolin, déployée dans le Hangar Bicocca. Quatorze architectes ou paysagistes y ont conçu une installation appelée à être regardée « comme une œuvre d’art ». Hormis l’espace de rencontres du collectif Rural Studio, réalisé avec des bottes de papier recyclé, et une pergola signée Studio Mumbaï, construite en granit extrait à la main d’une carrière proche de Madras (Inde), évoquant toutes deux un « degré zéro de l’architecture », voire un pavillon en blocs de ciment ajourés et carrelages argentés permettant d’expérimenter spatialement l’architecture comme abri, les autres propositions s’avèrent peu convaincantes. De même, au Palazzo della Permanente, où le doyen des commissaires d’exposition encore en activité, Gillo Dorfles, 106 ans (tout de même !) a élaboré l’exposition « La Logique de l’approximation dans l’art et dans la vie » : scénographie rigolote un brin seventies, avec cimaises en plastique translucide, mais propos alambiqué, sinon ésotérique, entre un flacon N° 5 de Chanel (« un fantastique pouvoir d’approximation ») et un bloc de Post-It (« ce système d’organisation de la vie qui tend à réduire sa complexité, tout en encourageant son approximation »).
Ailleurs, certaines expositions font clairement remplissage, comme celles logées au Museo Nazionale della Scienza e della Tecnologia. On y retrouve soit des stands commerciaux (Caimi Brevetti), soit des représentations nationales (Lituanie, Algérie, Albanie, Croatie, Grèce, Portugal…) arborant moult travaux d’étudiants. Idem à l’Accademia di Belle Arti di Brera où quelques projets se battent en duel, dont un « cabinet de curiosités » du collectif transalpin Onsitestudio, qui prône « un retour à la matérialité de l’architecture ».
Aux sources du design
Au final, seules deux présentations réussissent à tirer leur épingle du jeu. D’abord, au Palazzo della Triennale, l’exposition « Néo-Préhistoire » concoctée par les designers italiens Andrea Branzi et nippon Kenya Hara. En cent mots (être, tenir, détruire, polir, adorer, tuer, bouillir, naviguer…) et cent objets, ils brossent leur propre histoire du design, depuis la préhistoire (le premier silex taillé serait déjà du design) jusqu’à nos jours, avec l’imprimante 3D. Le parcours à la scénographie impeccable est passionnant, d’autant que sont disposées côte à côte des pièces d’échelles différentes, du bijou à l’hélice du Titanic (une reproduction), en passant – et c’est effrayant – par une réplique grandeur nature de Little Boy, bombe A larguée le 6 août 1945 sur Hiroshima. Au Museo delle Culture, l’exposition « Sempering : Process and Pattern in Architecture and Design », montée à partir d’études de l’architecte allemand Gottfried Semper sur les relations entre forme et technique, structure et surface, etc., met en regard divers processus de construction – empilement, tissage, pliage, moulage, soufflage, gravure… – dans les domaines de l’architecture et du design. Ainsi en est-il des plateaux en bois Field du designer Shane Schneck pour Hay et de la façade du Smithsonian National Museum of African-American History and Culture de l’architecte David Adjaye, à Washington. Les juxtapositions sont, à chaque fois, éclairantes.
Reste que, pour une aussi vaste programmation, le bilan est maigre. Souhaitons que la poignée d’expositions supplémentaires, réunies sous la bannière City After the City et qui devaient ouvrir le 25 mai dans deux anciens pavillons de l’Exposition universelle 2015, remonteront le niveau. Rien n’est moins sûr…
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Retour perdant de la Triennale de Milan
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 12 septembre, dans une vingtaine de lieux à Milan et alentours
rens. : www.triennale.org.
Légende Photo :
© Gianluca Di Ioia - La Triennale
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°458 du 27 mai 2016, avec le titre suivant : Retour perdant de la Triennale de Milan