Renversant !

Le XXe siècle nous a accoutumés aux images virtuelles les plus improbables, alors que l’imagerie populaire du XIXe était généralement normative et conservatrice. À une époque où la censure exerçait un strict contrôle sur tout imprimé, les images d’Épinal, vendues par des colporteurs, contribuaient à véhiculer les normes sociales prônées par l’Église et l’État. A contrario, l’exposition « Mondes à l’envers » est particulièrement troublante tant elle laisse deviner la face cachée, plus ou moins avouable, d’un XIXe siècle en pleine mutation. Ces images semblent surgir comme une contestation masquée des règles et des habitudes qui font le lit de la « servitude volontaire », pour paraphraser La Boétie.

« Mais c’est pour rire ! », voudrait-on penser, confrontés à ces estampes cocasses, facétieuses ou inquiétantes. Les moins cruelles montrent un écolier fessant le maître, une femme fouettant son mari, ou un cheval porté par son cavalier ; les plus sanglantes un homme suspendu par les pieds se faisant égorger par un cochon ou écorcher par un bœuf. Un accrochage soigné, ponctué de textes savants sans être fastidieux, replace ces iconographies troublantes dans leur contexte historique, avec une pertinence non dénuée d’humour. 

En résonance avec ces corps humains embrochés qui se consument dans de vastes cheminées sous les yeux gourmands d’animaux familiers, l’exposition de Patrick Neu, un artiste français né en 1963, déstabilise le regard d’une toute autre façon. Une armure en cristal, martiale et fragile, guerrière et évanescente, voisine avec de tout aussi hasardeux pains hérissés de tessons de verre. Les « Mondes à l’envers » chamboulent une perception du monde bien normée, cette exposition en est la tranchante illustration.