Rencontres forcées

BÂLE - Renonçant à une rétrospective, Rober Gober a préféré concevoir pour son exposition de Bâle un projet spécifique, qui met en scène une métaphore des tabous de notre société.

L’artiste américain a installé, au rez-de-chaussée du musée d’art contemporain quatre nouvelles pièces qui renvoient directement à des objets de la vie domestique : un paquet de mouchoirs en papier et une boîte de saindoux agrandis, puis, plus loin, un fauteuil. L’esthétique des années 50-60 de ces différents éléments fait ostensiblement référence à celle qui peupla l’enfance et l’imaginaire fantastique de cet artiste, né en 1954.

Aussi les pièces privilégient-elles ici les associations étranges et sont même le théâtre de contrastes et d’annexions brutales. Tous les objets sont en effet transpercés par des tuyaux de canalisation urbains. Ces éléments privés se trouvent alors étroitement associés à l’extérieur. La séparation fictive entre les deux mondes, privé et public, est clairement mise en évidence par la quatrième pièce de l’exposition. Le fragment d’un pan de mur d’habitation ne constitue en réalité qu’une délimitation factice dans un même espace, ramenant au non-sens la dichotomie intérieur/extérieur.

Sous ce segment d’architecture, une canalisation permet d’ailleurs à de l’eau de couler bruyamment, accentuant l’effet de passage, la sensation d’évacuation et de conduite forcée. Gober fait ici explicitement référence à un certain formatage des individus par la société, tout en soulignant ses propres paradoxes. Entre la pureté et l’impureté, l’artiste revendique l’identité propre d’un corps à la fois absent et omniprésent.