Amsterdam (Pays-Bas)

Rembrandt, à l’aube de son crépuscule

Rijksmuseum Jusqu’au 17 mai 2015

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 15 avril 2015 - 413 mots

Plus complète avec quarante peintures, vingt dessins et trente gravures, et pourtant plus aérée que sa version présentée à Londres, l’exposition sur « Les années de plénitude » de Rembrandt (1606-1669) trouve son plein accomplissement à Amsterdam.

Dans un parcours découpé en dix chapitres (D’après nature, Conventions, Émulation, Lumière, etc.), l’accrochage recouvre les dix-huit dernières années du peintre (1651-1669) pendant lesquelles son style se délie et se délivre des conventions. La brosse devient alors plus vive, certaines parties de la toile étant à peine ébauchées, à l’instar de la main à la palette de l’Autoportrait aux deux cercles. Cette période, que l’on observe aussi chez Goya, Michel-Ange, Titien, Turner, des historiens de l’art de la fin du XIXe siècle l’ont, après Roger de Piles en 1699, théorisée comme étant le « style du grand âge ». Soit un « style » universel qui marquerait la période ultime des grands artistes, que d’aucuns ont analysé comme étant le signe d’une dégénérescence physique – la fameuse vue qui baisse ! – ou, dans le meilleur des cas, de l’atteinte d’un état spirituel annonçant le basculement prochain du génie dans l’au-delà… Ni l’une ni l’autre de ces explications ne saurait être bien sûr admise, notamment chez Rembrandt. D’abord parce que la présence de nombreuses gravures dans l’exposition témoigne de l’incroyable dextérité de la main de l’artiste ; ensuite parce qu’en 1651 Rembrandt n’a que 45 ans ! Il est alors au sommet de son art, et sans doute faut-il voir dans son changement de style plus une stratégie que les conséquences de la vieillesse. Dès la première salle, consacrée aux autoportraits, le ton est donné : Rembrandt ne cesse de se représenter sans concession, le visage émacié en saint Paul ou dans des habits anciens, cherchant davantage à pénétrer son être le plus profond qu’à s’embellir. Il peint avec une brutalité que peu d’artistes ont auparavant osée. Ce qui l’intéresse, c’est la vie, la vraie : le corps d’une condamnée à mort sur le gibet, un amour clandestin, une femme se baignant… jusqu’à témoigner une exceptionnelle empathie pour ses sujets – ah, la tristesse immensurable de Lucrèce au moment de son suicide ! Pour autant, Rembrandt n’est pas ce vieux fou isolé que l’on dépeint parfois. L’exposition démontre brillamment qu’il regarde ce que font ses collègues italiens et hollandais et s’en inspire. Rembrandt cherche sans cesse de nouveaux cadrages, de nouvelles techniques, de nouveaux rendus. Et il trouve, ce qui est bien le signe d’une jeunesse.

« Rembrandt, Les années de plénitude »

Rijksmuseum, Museumstraat 1, Amsterdam (Pays-Bas), www.rijksmuseum.nl

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°679 du 1 mai 2015, avec le titre suivant : Rembrandt, à l’aube de son crépuscule

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