ARLES
Arles consacre une première et importante rétrospective, reconnue d’intérêt national, au peintre qui a donné son nom à son musée des beaux-arts : Jacques Réattu (1760-1833).
Dans son unique autoportrait, Jacques Réattu a volontairement légué à la postérité l’image d’un jeune homme à l’allure aristocratique. Né à Arles en 1760 de parents inconnus, il est en réalité l’enfant naturel d’un noble, Guillaume de Barrême de Châteaufort, et de Catherine Raspal, la sœur du célèbre « Peintre des Arlésiennes ». Si son père ne le reconnaît pas, il participe à son éducation et à sa carrière ; notamment en l’aidant à intégrer l’atelier de Simon Julien à l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1775.
Comme tous les artistes ambitieux de son temps, Réattu veut faire carrière dans la peinture d’histoire et doit donc au préalable décrocher le Grand Prix de Rome. Il l’obtient en 1790, après sept tentatives ! Enfin pensionnaire à l’Académie de France, il arrive à Rome dans un contexte extrêmement tendu à cause de la Révolution et devra même quitter l’Italie avant d’avoir fini sa formation. Il travaille toutefois ardemment et effectue plusieurs envois, dont La Vision de Jacob. Une œuvre charnelle dans laquelle il transforme un exercice académique en peinture d’histoire inspirée où s’affirme son talent de coloriste.
L’impressionnant Prométhée de Réattu incarne la quintessence du néoclassicisme : grand format, inspiration antique, action édifiante, virilité magnifiée et sous-texte politique. Premier tableau à discours révolutionnaire de Réattu, il établit une filiation évidente entre les vertus antiques et l’homme nouveau régénéré par les idéaux révolutionnaires. Héros courageux, intelligent et transgressif, Prométhée a eu le courage de se rebeller contre l’ordre établi et les dieux de l’Olympe. À l’image des citoyens français qui ont osé renverser le pouvoir monarchique et la religion.
Réattu semble avoir accordé beaucoup d’importance à La Mort d’Alcibiade, puisque ce grand format a été précédé d’un énorme travail préparatoire. On connaît en effet une esquisse, trois études de détails et une vingtaine de dessins. Un corpus qui rend d’autant plus énigmatique le caractère inabouti de cette œuvre. Aujourd’hui, son inachèvement fait pourtant sa valeur, car il nous permet d’observer le processus créatif du peintre. Mais aussi d’admirer son dessin très expressif et d’une grande finesse qui n’est pas sans évoquer certains romans graphiques contemporains.
À Marseille, Réattu se voit également confier un chantier considérable : le décor peint du temple de la Raison. L’ancienne église des Prêcheurs est alors transformée en temple en hommage aux patriotes qui avaient résisté aux Fédéralistes. Le projet prévoit des modifications de l’architecture intérieure, mais aussi un cycle de huit grands tableaux en grisaille imitant des bas-reliefs antiques. Aujourd’hui, six de ces peintures subsistent. Elles constituent un témoignage unique des grands décors révolutionnaires, les autres exemples de cette envergure ayant disparu.
Lorsque Réattu arrive à Marseille en 1793, la ville vient d’être reconquise par les Montagnards, qui instaurent une active politique culturelle. Les artistes élevés à la dignité « d’instituteurs du peuple » sont invités à participer aux fêtes civiques et à créer des œuvres à la gloire des idéaux révolutionnaires. Le Triomphe de la Liberté s’inscrit ainsi dans le cadre du concours de l’an II dans lequel de nombreux peintres ont rivalisé pour représenter un épisode glorieux ou les valeurs de la République. Le tableau de Réattu comprend tous les symboles révolutionnaires : le Génie, le drapeau tricolore et le bonnet phrygien rouge qui coiffe les peuples armés.
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Réattu
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°706 du 1 novembre 2017, avec le titre suivant : Réattu