PARIS
Ne vous fiez pas aux photographies des œuvres de Rannvá Kunoy (née en 1975), car elles ne montrent qu’un des multiples aspects que prennent ses tableaux au gré de la déambulation du spectateur.
Pour appréhender les jeux d’optique mis en place par l’artiste, il faudra donc aller voir « Un éclat de soleil » au Bicolore – Maison du Danemark à Paris, une exposition dédiée à l’art des îles Féroé à travers la présentation d’œuvres de quatre artistes issus de cet archipel isolé dans l’océan Atlantique Nord.
Contrairement à la plupart des Féroïens qui partent étudier à Copenhague, c’est à Londres que Rannvá Kunoy a décidé de s’installer. Diplômée en peinture du Royal College of Art en 2001, elle réside aujourd’hui encore dans la capitale anglaise. Depuis ses débuts, elle n’a travaillé qu’en deux dimensions, mais s’est d’emblée attachée à interroger le médium pictural en en défiant la planéité intrinsèque. Depuis une dizaine d’années, et après de multiples expérimentations, elle a finalement trouvé son « langage », qui s’inscrit dans la filiation d’une peinture, principalement nord-américaine, basée sur le processus – de l’expressionnisme abstrait à l’appropriationnisme. Les œuvres de Rannvá Kunoy présentent un foisonnement de motifs et de signes qui se superposent et s’enchevêtrent, recouvrant la toile en all-over.
Si l’on peut distinguer ici des lettres ou des chiffres, là des visages ou des courbes humaines, aucun motif n’est pleinement discernable. À travers ces « marques », qui mêlent au geste une dimension mécanique et sérielle, Rannvá Kunoy brouille nos repères en convoquant nos représentations mentales et culturelles. Il s’est agi, pour l’artiste, de mettre au point une imagerie qui ne soit « ni narrative ni abstraite », mais tout de même reconnaissable en faisant subtilement référence à un univers visuel communément partagé.
Si cette approche singulière des motifs est, selon elle, « l’aspect le plus radical » de son travail, la part insaisissable de ses tableaux tient également au trouble qu’elle instaure dans notre perception optique. En effet, grâce à des pigments cristallins photosensibles apposés sur le fond de la toile, les couleurs sont mouvantes : les teintes changent en fonction de la lumière présente dans la salle et au gré de nos déplacements face à l’œuvre. Notre regard apparaît ainsi contingent et notre appréhension de la peinture, performative. Si les toiles de Rannvá Kunoy sont souvent de grands formats, c’est parce que « plus la surface est grande, plus on peut jouer avec la gravité et la lumière ». Pour celle qui a toujours été « obsédée par la luminosité et les reflets », un tableau peut même s’appréhender comme une « ampoule ». Finalement, « ce que ces toiles semblent exiger est une ouverture aux expériences qu’elles suscitent (rétiniennes, intellectuelles, émotionnelles), un abandon à l’inconnu, voire à l’insaisissable », selon les termes du critique d’art Tom Morton.
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Rannvá Kunoy
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°751 du 1 février 2022, avec le titre suivant : Rannvá Kunoy