Gibson énerve les photographes. Dire qu’il en empêche certains de dormir n’a rien d’exagéré. N’a-t-on pas entendu ici et là tel ou tel de ses émules (oserions nous « épigones » ?) se plaindre tout haut de ce « terroriste » de Gibson après l’avoir consciencieusement pillé ? Il a bon dos, l’Américain. Certes, il s’est abreuvé comme les autres à ces sources inépuisables, la lumière de Kertesz, le sourire de Lartigue, la parole personnelle de Frank, le noir-et-blanc contrasté de Faurer... Pourquoi « terroriste », alors ? Parce que maîtriser à ce point l’équilibre des compositions relève d’une sorte de défi permanent lancé à la concurrence : les images sont belles, mais intimidantes. Elles séduisent, mais c’est pour mieux posséder. Elles incitent à la copie – mais quelle déception à l’arrivée ! De l’apparente facilité qu’il y a à photographier un pan de mur ou un chapeau de paille au soleil, certains en ont un peu vite déduit qu’il n’y aurait point malice à adopter la syntaxe de Monsieur Gibson. Comme si connaître le solfège pouvait suffire à écrire une symphonie... En fait, c’est surtout l’apparence de la perfection qui peut agacer chez Gibson. Et l’on se prend à rêver devant le détail oblique, la trace de la main humaine qui réveille d’un coup l’émotion. Et puis il y a le ballet sans cesse renouvellé des compagnes, des partenaires, des amoureuses, qui éclairent l’œuvre de leur sensualité soumise, tout en lui imprimant ses trajectoires, légères, subliminales...
Maison européenne de la Photographie, jusqu’au 30 mai. À lire : Ralph Gibson, courant continu avec un texte de François Jullien, éd. Marval, 165 p., 390 F.
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Ralph Gibson et l’apparence de la perfection
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°505 du 1 avril 1999, avec le titre suivant : Ralph Gibson et l’apparence de la perfection