Après Cassel et Paris, Raymond Hains fait escale à Nantes et Reims. À travers d’incessants glissements, l’artiste se détache de l’objet pour n’en garder que le sens ou le son, pour mieux rebondir dans l’espace et le temps, dans une quête sans fin qui fait la part belle à l’inattendu.
REIMS - Il est des artistes qui, passé la cinquantaine, en mal de reconnaissance officielle pour leur apport à l’histoire de l’art, se complaisent à courir après les rétrospectives, comme si, un pied au bord de la tombe, ils considéraient que leur œuvre appartenait déjà au passé. Il en est d’autres au contraire qui, poussés par une formidable énergie, multiplient sans cesse projets inédits et nouvelles recherches. Raymond Hains fait sans aucun doute partie des seconds. À 72 ans, lui qui fut, dans les années soixante, rattaché au mouvement des Nouveaux Réalistes, bénéficie ce printemps de deux expositions, au Frac Champagne-Ardenne, à Reims, et chez son homologue des Pays de la Loire, à Nantes. Ces deux événements font suite à l’hommage qu’a rendu l’artiste, avec la coopération de la Caisse des dépôts et consignations, à son ancienne galeriste Iris Clert, au moment du Carnaval. Raymond Hains a ainsi promené dans Paris une effigie de la grande dame, dans la pure tradition de Cassel – la ville du nord de la France –, tandis qu’avec la complicité de quelques antiquaires éclairés, de nombreux échos étaient faits à Cassel, en Allemagne.
L’artiste se plaît en effet à des glissements de sens, à des digressions, à des rapprochements parfois un peu tirés par les cheveux, mais qui permettent de rebondir d’un concept à l’autre, en jouant sur les sonorités et en maniant avec dextérité les calembours. À Nantes, il est parti de Lemot, le “sculpteur lyonnais” qui a réalisé la fameuse statue de Louis XIV de la place Bellecour, à Lyon, que Raymond Hains avait découvert en 1991, alors qu’il passait son Bac (Biennale d’art contemporain) pour la seconde fois. Finalement, à travers de multiples pérégrinations, le visiteur est conduit jusqu’à la gare de Waterloo, à Londres.
L’exposition de la cité champenoise fait d’emblée écho à celle organisée en 1987 dans une autre ville de la région, Troyes. De là au cheval de Troie, il n’y qu’un pas, que l’artiste franchit allègrement. Il nous emmène alors dans les méandres de “l’histoire”, du Roi Rémus donnant sa fille en mariage à Francus au Clovisse – le nom provençal de la palourde –, de la moutarde de Reims aux amis de Fromulus, de l’Anthologie des grands rhétoriqueurs de Paul Zumthor au Vintage, dans une atmosphère rythmée par Il Viaggio a Reims de Rossini. Dans un esprit ludique, quand il n’est pas franchement humoristique, Raymond Hains nous ouvre les yeux sur la petite et la grande histoire, et éclaire d’un jour nouveau chaque ville où il pose ses valises. Tel un jeune artiste branché, Hains s’est approprié l’outil informatique en offrant, à partir de bases de données sur Macintosh, des copies d’écran et un diaporama virtuel. Loin de certains de ses camarades de route qui s’abandonnent sans vergogne au produit, l’artiste, fidèle à lui-même, continue inlassablement à bâtir une œuvre.
RAYMOND HAINS, jusqu’au 31 mai, Frac Champagne-Ardenne, 1 place Museux, 51100 Reims, tél. 03 26 05 78 32, mardi-dimanche 14h-18h ; jusqu’au 31 mai, Frac des Pays de la Loire, 7 rue Frédéric-Kuhlmann, 44100 Nantes, tél. 02 40 69 87 87, mardi-dimanche 14h-18h.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
R. Hains à Reims
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°59 du 24 avril 1998, avec le titre suivant : R. Hains à Reims