Le modernisme, la modernité, le moderne, on en parle communément, la confusion semblant anodine, tout autant que leur usage d’ailleurs. Pourtant, dans le domaine de l’histoire de l’art,
leur emploi est périlleux tant ce qu’induisent ces termes se révèle particulier et contradictoire. Le modernisme est souvent soumis à la lecture de la peinture telle qu’elle fut élaborée en théorie par l’Américain Clement Greenberg dans les années 1960, théorie dont l’un des points d’orgue était le formalisme. Mais on peut comprendre également le modernisme comme la particularité des avant-gardes du début du XXe siècle, constructivisme russe en tête, leur propension à la rupture radicale s’alliant à une volonté sans faille de nouveauté et d’utopie. Il est donc bien difficile d’amorcer une définition unanime du modernisme, surtout lorsque l’on sait qu’à l’Antiquité, le mot moderne qualifiait le nouveau ou le contemporain, alors qu’aujourd’hui, confondre le moderne avec le contemporain s’apparente à un crime de lèse-majesté. Il apparaissait alors nécessaire et peut-être même salvateur de consacrer une exposition au sujet. Carolyn Christov-Bakargiev a répondu à cette ambitieuse et dangereuse mission d’une manière plutôt originale, en rassemblant les « enfants » de la modernité et du modernisme. Toute une génération d’artistes trentenaires, éduqués sous le régime du post-modernisme, période qui a vu le modernisme terni, vilipendé, parodié ou gadgétisé. Liam Gillick, Tacita Dean, Ricci Albenda, Massimo Bartolini, Jim Lambie, Jorge Pardo, John Pilson, Simon Starling, ils sont une vingtaine, habituellement qualifiés d’intellectuels.
Leurs œuvres se révèlent être, sans ostentation, des explorations réfléchies, et pour la plupart brillantes, de leur rapport à ce monstre qu’est devenu le modernisme. Leur retour vers cette ère féconde qui a marqué de son empreinte hybride une grande partie de ce siècle, s’il se teinte parfois de nostalgie, n’a pourtant rien à voir avec un quelconque procès, une espérée régression ou une sombre folie cynique. Ces artistes offrent davantage un hommage à l’extraordinaire richesse de ce serpent de mer qu’ils n’affirment son hégémonie rétrograde. Et il est à parier que ces nouveaux modernes se révéleront aussi insaisissables que les références qu’ils dissèquent et ravivent avec talent.
TURIN, Castello di Rivoli, Museo d’Arte Contemporanea, piazza Mafalda di Savoia, tél. 11 95 65 222, www.castellodirivoli.org, jusqu’au 3 août.
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Question de modernité
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°547 du 1 mai 2003, avec le titre suivant : Question de modernité