Peintre étonnant à l’identité politique et sexuelle affirmée, Eugène Jansson (1862-1915) est aujourd’hui révélé au public français par le Musée d’Orsay, qui poursuit son ouverture vers le Nord. Dans le même temps, le Centre culturel suédois réunit une trentaine d’œuvres de son compatriote, Ernst Josephson (1851-1906), pionnier de l’art moderne.
PARIS - L’exposition s’ouvre sur un défilé socialiste du 1er mai encadré par les cimaises de la première salle, tandis que sur la gauche, deux salles plus loin, le visiteur aperçoit un autoportrait d’Eugène Jansson. Élégamment vêtu d’un costume blanc, il est entouré d’hommes nus, à la manière des aristocrates anglais qui posaient au XVIIIe siècle au milieu de vestiges antiques. Ces deux toiles, mises en évidence par un accrochage judicieux, sont emblématiques de la personnalité d’un peintre jusque-là inconnu en France.
Né en 1862 dans une famille modeste, Eugène Jansson entre à dix-neuf ans à l’Académie royale des beaux-arts. Mais rapidement déçu par l’enseignement qui y est prodigué, il la quitte deux ans plus tard. Ce désaccord est réaffirmé en 1886, lors de son adhésion à l’Association des artistes, mouvement réformateur de la vie culturelle suédoise. Incompris de ses contemporains, Jansson confiait : “J’ai pourtant tenu bon. J’avais une foi inébranlable en ma vocation”. La cinquantaine de toiles disposées chronologiquement rend parfaitement compte de son sacerdoce pictural.
Consacrées au paysage, les quatre premières salles excluent quasiment toute représentation de la figure humaine. Si les œuvres des débuts font preuve d’une grande clarté, Stockholm devient très vite pour le peintre l’occasion de réaliser ses visions atmosphériques. Le train (1895) – machines, usines et autres symboles de la modernité sont d’ailleurs fréquents chez Jansson – est exécuté sur une toile rugueuse dont la trame apparaît sous une peinture légère, rehaussée par quelques touches. Une grande importance est accordée à la matière : un petit relief de peinture jaune en forme de fleur figure le phare avant d’une bicyclette au centre de Stora Nygatan, une vue urbaine de 1898. Vision bleutée de la ville, le Nocturne (1901) rappelle Monet – avec lequel Jansson n’avait pourtant aucun contact – et ses Nymphéas. Les reflets dans l’eau sont rendus par des motifs circulaires bleus et blancs au centre jaune, appuyés par une touche vive. Ce dynamisme se retrouve dans la perspective tourbillonnante d’Au crépuscule, un paysage citadin proche de l’expressionnisme de Munch.
En 1904, Jansson abandonne les paysages ; la figure masculine devient son thème de prédilection. Soutenu par quelques mécènes comme Ernest Thiel, il commence à peindre des nus athlétiques, souvent observés dans les établissements de bains de la Marine. Dans Scène de bain (1908), un plongeur semble voler, saisi dans un raccourci étonnant. La piscine (1911) est rendue par un entrelacs de touches ; de légers reliefs de peinture blanche soulignent les éclaboussures et la lumière. L’exposition se clôt sur une grande toile à la facture proche du fusain, le Bal des matelots – Genet n’est pas loin...
En parallèle, le Centre culturel suédois réunit quelques travaux d’Ernst Josephson (1851-1906), dont l’œuvre a été célébrée par Tristan Tzara, père du Dadaïsme. Proche du Symbolisme dans sa Gardienne d’oie, un trait fluide, libéré de toute convention, parcourt ses dessins à l’encre, telle la Suite des dieux et rois de l’antiquité nordique. Membre, comme Jansson, de l’Association des artistes, leurs peintures sont pourtant peu comparables.
- EUGÈNE JANSSON, jusqu’au 22 août, Musée d’Orsay, 1 rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris, tlj sauf lundi 10h-18h, jeudi 10h-21h45, à partir du 22 juin 9h-21h45. Catalogue, RMN, 104 p., 150 F. - ERNST JOSEPHSON, jusqu’au 14 juillet, Centre culturel suédois, 11 rue Payenne, 75003 Paris, tlj sauf lundi 14h-18h, samedi et dimanche 14h-19h.
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Querelle du Nord
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°84 du 28 mai 1999, avec le titre suivant : Querelle du Nord