Barcelone. On savait Picasso boulimique visuel, doté d’une digestion plastique exceptionnelle, lui permettant d’expérimenter et de s’approprier les divers acquis de l’art du passé et du présent.
Barcelone, sa ville natale et siège d’un des musées qui porte son nom, choisit d’examiner non sa cuisine picturale mais, plus terre à terre, le rapport qu’il entretient avec la cuisine tout court. « Les mets, les ustensiles ainsi que les liens relatifs à la cuisine ont un fort pouvoir d’évocation ou bien d’association », affirment les commissaires. Certes, l’idée, et c’est le cas de le dire, est alléchante. Le résultat, hélas, manque un peu de piment.
Comme toujours avec le maître espagnol, on a droit à quelques œuvres splendides tels Jeune garçon à la langouste (1941) [voir ill.] ou les deux versions du Buffet du Catalan (1943), rarement exposées. Moins intéressantes sont les nombreuses natures mortes qui défilent au long des murs. On aurait aimé voir ici le magistral Pain et compotier sur une table (1909) de Bâle, une toile qui se prêtait parfaitement au sujet. En échange, la manifestation propose, à l’aide de divers documents, des informations précises – parfois anecdotiques – sur ces lieux de rencontre d’artistes que furent les cabarets Els Quatre Gats à Barcelone ou Au Lapin agile à Montmartre. En somme, un parcours plaisant mais laissant le spectateur plutôt sur sa faim. Une solution appétissante : se nourrir les yeux avec le plat de résistance, la collection permanente du musée, dont le Déjeuner sur l’herbe d’après Manet (1960), revisité par Picasso et présenté ici, est un vrai régal.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°507 du 21 septembre 2018, avec le titre suivant : Quand Picasso se met à table