Clermont-Ferrand

Quand le vermillon et le bleu de Prusse prennent le dessus

Une rétrospective Armand Guillaumin

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 1 février 1995 - 498 mots

Le Musée des beaux-arts de Clermont-Ferrand rassemble une cinquantaine de toiles et de pastels, ainsi qu’une trentaine de gravures d’Armand Guillaumin, qui a connu un itinéraire très singulier à l’intérieur de l’Impressionnisme. Tout en adoptant la poétique du mouvement, il s’en est écarté pour devenir un proche de Cézanne et un précurseur des Fauves.

CLERMONT-FERRAND - Le Musée du Petit Palais de Genève, qui fut le premier, en 1974, à attirer l’attention des historiens et du public sur Armand Guillaumin (1841-1927), a prêté la totalité des toiles et pastels exposés à Clermont-Ferrand, tandis que les gravures proviennent de la Bibliothèque nationale et de collections particulières. Pontoise et Toulouse avaient déjà, en 1991 et 1993, rendu hommage à ce peintre en réunissant le même ensemble.

Les gravures, montrées presque toutes pour la première fois, auraient pu, à elles seules, être le prétexte d’une nouvelle manifestation. Reste l’espoir que ce troisième hommage soit, cette fois-ci, rendu plus consistant à travers un catalogue enrichi d’études sérieuses et approfondies.

"Un coloriste féroce"
Dès le Salon des Refusés en 1863, et jusqu’en 1886, année de la dernière manifestation commune, Guillaumin participe à l’aventure impressionniste. Apprécié par ses amis Pissarro et Cézanne, avec lesquels il partage les années de formation à l’Académie suisse, proche de Van Gogh puis de Signac, Guillaumin a été exclu de la consécration dont le public et le marché de l’art ont gratifié l’Impressionnisme.

Un gain très important à la loterie en 1891, en lui épargnant les combats quotidiens auxquels ses origines très modestes l’avaient destiné et en l’éloignant du marché de l’art, est l’une des raisons de la diffusion médiocre de ses œuvres.

Cependant, le caractère même de sa peinture explique mieux l’incompréhension manifestée à son égard. À l’époque où le but commun des impressionnistes semblait être, malgré la diversité des moyens, de saisir le changement de la forme sous l’effet de la lumière, Guillaumin refuse la dissolution des volumes et se rapproche des recherches de Cézanne en faisant de la couleur un élément constructif.

Huysmans devait reconnaître, en 1881, que les toiles de ce "coloriste féroce", malgré l’apparence d’"un amas de zébrures de vermillon et de bleu de Prusse", regardées à bonne distance, laissaient le spectateur "étonné" par leur "délicatesse imprévue". Couleur "constructive" à la manière de Cézanne – mais sans arrière-pensées théoriques – et cependant annonciatrice de celle "expressive" des Fauves.

Ces "couleurs d’arc-en-ciel" qui "fulgurent brutalement du haut en bas de ses toiles" finiront par rebuter Huysmans en 1882. Mais elles ne peuvent aujourd’hui que séduire nos regards familiarisés avec le Fauvisme, dont les développements ultimes confirmeront les intuitions de Guillaumin.

"Rétrospective Armand Guillaumin (1841-1927), Musée des beaux-arts, Clermont-Ferrand, 16 février - 23 avril. Ouvert tous les jours, sauf le lundi, de 10h à 18h. Tél. : 73 23 08 89.
Catalogue de l’œuvre peint, édité avec la participation du Petit Palais, Musée d’art moderne, Genève, 110 p., 48 ill. coul. Catalogue de l’œuvre gravé et lithographié, édité par la Ville de Clermont-Ferrand, 40 p., 38 gravures.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°11 du 1 février 1995, avec le titre suivant : Quand le vermillon et le bleu de Prusse prennent le dessus

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