Pensait-il être considéré un jour comme un précurseur ? Sûrement pas. Héritier des traditions byzantines et de la couleur vénitienne, arrivé en Espagne vers 1576, certes il adopte un style qui révolutionne l’art espagnol, exaltant la \"mouvance des formes\", violentant les effets de lumière.
Ses apôtres comme ses saints et ses hidalgos voient le monde à travers leur regard intérieur. Mais pour les collectionneurs allemands et quelques écrivains qui le découvrent au tournant du XIXe siècle, le Greco apparaît donc comme résolument moderne et cette introversion des passions les séduit. Les expositions qui se succèdent notamment à Munich et Düsseldorf ainsi que l’ouvrage que lui consacre en 1910 Julius Meier-Graefe révèlent cette modernité aux artistes outre-rhénans qui admirent chez le Crétois ses audaces de composition, les tonalités froides, le traitement hardi de l’espace. Ayant déjà reçu l’héritage de Cézanne, dont Kandinsky et Franz Marc font le "frère spirituel" du Greco, ils veulent désormais s’approprier l’héritage de ce "destructeur de formes".
Un siècle après celle de 1912, cette exposition aborde le sujet complexe des rapports entre le maître tolédan et les expressionnistes allemands. Les confrontations de certains tableaux comme le Laocoon, l’Espolio, la Lamentation du Christ ou le portrait de Covarrubias avec ceux de Ludwig Meidner, Max Beckmann, Heinrich Nauen et Picasso, qui reprirent au plus près les mêmes thèmes, montrent combien ceux-ci trouvent dans les œuvres du Greco des sources d’inspiration qu’ils renouvellent en accentuant leurs aspects dramatiques. Un accrochage plus affiné aurait permis d’autres comparaisons, sans doute plus pertinentes, en rapprochant par exemple certains thèmes identiques abordés par tous.
L’occasion de voir réunies quarante œuvres du Greco est précieuse d’autant plus que, parmi les prêts, figurent quelques toiles majeures comme L’Ouverture du cinquième sceau venue de New York.
Kunstpalast, Kulturzentrum, Ehrenhof 4-5, Düsseldorf (Allemagne), www.smkp.de
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Quand l’Allemagne se tournait vers Le Greco
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°648 du 1 juillet 2012, avec le titre suivant : Quand l’Allemagne se tournait vers Le Greco