Frappée par les épidémies de peste et de choléra, tourmentée par les réveils du Vésuve, Naples s’attache au cours des siècles la protection d’une armée de saints. Au point de réunir au XVIIIe siècle plus de cinquante patrons !
Le premier d’entre eux est San Gennaro (saint Janvier), évêque martyr du IVe siècle. Son sang, conservé comme relique dans la cathédrale de Naples, se liquéfie plusieurs fois par an, et son culte donne lieu à de grandes processions, toujours d’actualité, et ce depuis plus de cinq siècles. En 1527, les habitants passèrent un contrat avec le saint en échange de sa
protection. Une copie de ce contrat, ainsi que quatre-vingt-dix pièces d’orfèvrerie du trésor de San Gennaro, sont dévoilées dans l’espace du Musée Maillol.
Rien n’est trop beau pour ces saints patrons napolitains. Parfaite illustration de l’exubérance du baroque italien, les trésors de la chapelle qui leur sont consacrés témoignent de l’extrême dévotion et de la foi inébranlable des habitants... et surtout de la richesse des grandes familles napolitaines et des souverains étrangers. Ceux-ci ont fait appel aux plus grands artisans de leur temps pour la réalisation des bustes monumentaux en argent et en cuivre doré. Quinze d’entre eux – impressionnants ainsi –, disposés en cénacle surplombant le visiteur dans une première salle, attestent du savoir-faire et de la virtuosité de leurs créateurs. Comme celui de sainte Thérèse d’Avila, déclarée patronne en 1664, dont la tunique aux broderies minutieuses, obtenue par estofado, semble un manifeste technique des frères De Blasio. Ou encore la sculpture en pied grandeur nature de Tobie et l’ange Raphaël, née de la collaboration du sculpteur San Marino et de l’orfèvre Giuseppe Del Giudice (1797). Si imposants et exubérants soient-ils, ces bustes ne sont qu’une entrée en matière vers les deux chefs-d’œuvre du trésor de San Gennaro. La mitre, également réalisée en argent doré et sertie de 3 692 diamants, émeraudes et rubis, coiffe le buste reliquaire du saint. À ses côtés, le collier, créé en 1679 pour parfaire cette parure déjà chargée, réunit les pierres précieuses de tous les bijoux qui furent voués au culte.
Contrairement aux joyaux des couronnes européennes qu’il égale en préciosité, ce trésor appartient aux Napolitains eux-mêmes rassemblés au sein d’une institution laïque nommée Députation. Conservés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale dans un coffre de banque, ils sont donc visibles à Paris jusqu’en juillet. virginie duchesne
Musée Maillol, 59-61, rue de Grenelle, Paris-7e
www.museemaillol.com
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°668 du 1 mai 2014, avec le titre suivant : Précieuse dévotion