Scène biblique (la rencontre de Ruth et de Boaz) ou peinture de paysage ? L’été synthétise l’idéal de Nicolas Poussin pour qui l’homme occupe une place secondaire.
Figure majeure du classicisme français, Nicolas Poussin (1594-1665) est principalement connu pour ses grands sujets mythologiques, allégoriques et religieux. Pourtant, l’artiste, qui fit l’essentiel de sa carrière à Rome, est aussi celui qui donna à la peinture du paysage ses lettres de noblesse, influençant les peintres des générations à venir, comme Cézanne, Corot, Constable ou encore Turner.
L’intellectualisation de la nature
À travers quarante peintures et autant de dessins, l’exposition américaine entend montrer combien Poussin a observé la nature et y a puisé son inspiration pour trouver un « idéal » pictural et intellectuel. « Ce qu’il y a d’extraordinaire chez lui, ce n’est pas qu’il peigne la nature, mais qu’il parvienne à l’intellectualiser. Il ne cherche pas à peindre ce qu’il voit, mais il peint des idées, des questionnements sur le sens de la vie et les grands thèmes de la vie. C’est ce qui fait de lui un peintre difficile, qui ne s’offre qu’à ceux qui prennent le temps de le déchiffrer », explique Pierre Rosenberg, commissaire de l’exposition avec Keith Christiansen. Lecteur assidu de Montaigne, philosophe, Poussin multiplia les études sur le vif dans la campagne romaine et notait sur ses tablettes ce qui frappait sa vue. Si dans la première partie de sa carrière, la nature n’occupe qu’une place secondaire, elle prend dans les années 1630 une place prépondérante.
Le vrai sujet de la peinture
Gagnant en profondeur et en signification, la nature devient peu à peu le sujet de l’œuvre, l’élément essentiel dans lequel l’homme n’occupe qu’une place secondaire. À la fin de sa vie, entre 1660 et 1664, l’artiste peint les Quatre Saisons, dont deux (L’Été et Le Printemps) sont présentes dans l’exposition. Appelées le « testament artistique et spirituel de Poussin », ces œuvres synthétisent non seulement le style tardif de l’artiste, mais aussi les grands thèmes de la vie, les heures du jour, les quatre âges de l’homme.
Sans faire appel aux symboles habituels, Poussin mêle différents niveaux de lecture et construit un monde complexe où se rencontrent paganisme et christianisme, mythes antiques et scènes quotidiennes. Surtout, il décrit son émerveillement face à la nature, à sa fertilité et à son renouvellement. « De nombreux peintres ont peint les quatre saisons, mais seul Poussin a su en plus raconter à travers elles l’histoire de l’humanité. »
1594
Naissance de Poussin aux Andelys (Normandie).
1624
À Rome, il est introduit dans le cercle très fermé des collectionneurs romains, qui deviendront ses plus importants clients.
1640
Bref retour à Paris. Traité jusque-là comme un arrière-plan, le paysage prend de plus en plus d’importance, devenant parfois le sujet du tableau.
1642
Second séjour à Rome. Poussin peint des séries d’œuvres dont les « Sept Sacrements », qui scelleront sa réputation.
1665
Décède à Rome.
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Poussin, la nature pour idéal du peintre (part I)
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Abonnez-vous dès 1 €Informations pratiques. « Poussin et la nature », jusqu’au 11 mai 2008.”ˆCommissaire : Pierre Rosenberg, the Metropolitan Museum of Art (MET), New York. www.metmuseum.org La Fuite en Égypte... Menacée de partir à l’étranger, La Fuite en Égypte de Poussin a été finalement acquise en 2007 par le musée des Beaux-Arts de Lyon pour la somme de 17 millions d’euros récoltée grâce au mécénat privé et à la mobilisation du Louvre (lire interview de Sylvie Ramond, directrice du musée, par Le Journal des arts sur artclair.com).
Le tableau fait l’objet d’une exposition jusqu’au 19 mai 2008, à Lyon. www.mba-lyon.fr
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°600 du 1 mars 2008, avec le titre suivant : Poussin, la nature pour idéal du peintre (part I)