Le Photomaton a innervé les pratiques de l’art du XXe siècle, jusqu’à légitimement pouvoir prétendre à sa propre esthétique dévoilée au Musée de l’Élysée à Lausanne.
Avec « Derrière le rideau, l’esthétique du Photomaton », Clément Chéroux, conservateur au département photographique du Centre Pompidou, et Sam Stourdzé, directeur du Musée de l’Élysée, tissent une exposition palpitante sur les relations complexes d’une technique, d’une sociologie, d’un loisir, d’un art à une esthétique. Mise au point dans les années 1920 aux États-Unis par Anatol Josepho après bien des balbutiements techniques, la cabine de photographie automatique – d’un automatisme relatif puisqu’un opérateur doit rester à proximité pour régler les optiques et palier les caprices techniques – jouit très rapidement d’un vif succès.
Le procédé et le prix – démocratiques – font le reste : tout le monde au même format, avec le même fond, les mêmes contraintes, la personnalité fera le reste. Son esthétique est une appropriation collective de ces petits faits divers photographiques, avec ses accidents, ses mines surprises, sa théâtralité de poche. Dès ses prémices, le Photomaton séduit les artistes, surréalistes en tête, ce que montre bien le catalogue.
Le retour de la bande d’identité
L’exposition offre deux axes majeurs. L’un est dédié à la machine en tant que telle avec son architecture – ce cubicule d’où émergent deux jambes anonymes ! –, ses bandes à la manière d’un petit film et son automatisme. L’autre axe est dévolu à la question de l’identité, l’image produite par le Photomaton répondant aux critères de l’identité judiciaire nomenclaturée par Alphonse Bertillon au XIXe siècle. Avec cette dernière notion viennent celles de la ressemblance, de l’introspection, de la norme et de la singularité.
Depuis quelques années, le Photomaton, en passant au numérique, a perdu de son unicité, mais on voit ressurgir quelques spécimens à quatre vignettes distinctes en longue bande. Cette zone d’intimité et de narcissisme au milieu de l’espace public reste un lieu à part et fantasmatique jusqu’à l’érotisme. Apple n’a-t-il pas baptisé son application d’autofilmage « Photo Booth », cabine photographique ? Preuve que, derrière le rideau, le spectacle photographique et son esthétique modeste restent un objet de fascination, de collection compulsive, d’admiration et de défi à l’originalité.
Infos pratiques. « Derrière le rideau – L’esthétique photomaton », jusqu’au 20 mai 2012. Musée de l’Élysée à Lausanne. Ouvert du mardi au dimanche de 11 h à 18 h. Tarifs : 7 et 3 e. www.elysee.ch À lire : le catalogue édité aux éditions Photosynthèses, 65 c. Et Raynal Pellicer, Photomaton, La Martinière, 35 €.
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Pour une histoire du photomatique !
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°644 du 1 mars 2012, avec le titre suivant : Pour une histoire du photomatique !