Un couple de collectionneurs dévoile pour la première fois sa riche collection de peinture classique.
SCEAUX - Il y a peu, il était encore possible de se constituer une belle collection de peinture française des XVIIe et XVIIIe siècles. C’est ce que démontre la présentation de la collection de Monique et Edwin Milgrom, qui se rendra ensuite à Arras puis à Bayonne. Tous deux amateurs sans être nés dans le milieu de l’art, cette enseignante et ce chercheur en endocrinologie sont tombés un peu par hasard dans la peinture au début des années 1980. Fréquentant les salles de vente de l’hôtel Drouot pour y acheter du mobilier, ils se sont rendu compte que l’on pouvait également y trouver quelques belles toiles. « Nous avons choisi le XVIIe siècle car il était à notre portée », précise ainsi Edwin Milgrom. L’œil et l’instinct ont fait le reste, plusieurs tableaux ayant été achetés sans attribution. Et une vingtaine d’années plus tard, les voilà propriétaires de plus de trente toiles signées des plus grands noms du classicisme français : Philippe de Champaigne – dont un portrait de Richelieu revient d’un prêt au Musée des beaux-arts de Lille pour l’exposition « Philippe de Champaigne » –, Carle van Loo, leurs deux artistes de prédilection, mais aussi Pierre Mignard, Eustache Le Sueur, François de Troy, Louis de Boullongne, Hyacinthe Rigaud… ou encore Jean-Baptiste Greuze. Le Portrait du graveur Jean-Georges Wille de ce dernier a été le premier tableau, signé et daté de 1763, acquis par les Milgrom, en 1979. Acheteurs avisés faisant étudier et restaurer leurs œuvres, les collectionneurs n’ont toutefois pas réussi à élucider les origines de cette commande, le Musée Jacquemart-André, à Paris, en conservant une version similaire.
D’autres découvertes ont également émaillé l’histoire de cette collection. Une toile achetée en 1992 comme étant de l’entourage de Nicolas Poussin, La Découverte des corps de Pyrame et Thisbé, s’est ainsi révélée, après restauration, être une rare œuvre de l’époque romaine de Pierre Mignard (vers 1635-1636), ayant appartenu à la célèbre collection du XVIIIe siècle de Ange-Laurent de Lalive de Jully. Achetée par Ferdinand III vers 1792, la peinture aurait dû rejoindre les Offices de Florence, si un blocus maritime n’avait empêché son exportation.
Au-delà de ces anecdotes, relatées dans un film et dans le catalogue – écrit sous la direction de Pierre Rosenberg, président directeur honoraire du Musée du Louvre et par une pléiade d’excellents historiens d’art –, l’exposition propose une agréable promenade dans la peinture de ces siècles d’or. Sous une lumière tamisée et dans une ambiance feutrée et musicale évoquant un intérieur cossu, le visiteur appréciera la proximité avec les tableaux. Présentés de manière thématique, ils dénotent d’un goût certain pour le « Grand genre » – la peinture d’Histoire et la peinture religieuse – qui domine largement l’accrochage. L’ensemble est toutefois ponctué de quelques heureuses surprises. Ainsi du travail du caravagesque Guy François, encore assez méconnu, représenté ici par une Adoration des bergers de dévotion privée. Ou encore de ce Portrait d’un gentilhomme (1720) dû au pinceau de Jean-Baptiste Oudry. Formé dans l’atelier de Nicolas de Largillière, Oudry aurait subi ce commentaire acerbe de son maître : « Vous ne pourrez être qu’un peintre de chiens ». Une cruauté qui a orienté sa carrière et que rend d’autant plus injuste la belle qualité de ce portrait.
Jusqu’au 21 janvier, Musée de l’Ile-de-France, bâtiment des Écuries, 92330 Sceaux, tél. 01 41 87 29 50, tlj sauf mardi, 10h-17h. Cat. 172 p., 36 euros. ISBN 978-2-901437-22-2.
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Pour l’amour de la peinture
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaire de l’exposition :Cécile Dupont-Logié, conservateur en chef - Commissaire adjoint :David Beaurain, historien d’art, responsable du service des publics - Scénographie : Michel Albertini - Nombre d’œuvres : 37
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°266 du 5 octobre 2007, avec le titre suivant : Pour l’amour de la peinture