Pour la troisième année consécutive, le Printemps de septembre se déploie à Toulouse dans une dizaine de lieux. Envisagé comme le prolongement du Printemps de Cahors, le festival fait la part belle aux images en invitant une cinquantaine d’artistes. Intitulée « Gestes », cette édition se signale par un grand nombre de documentaires et une vaste installation/exposition du Hollandais Aernout Mik.
TOULOUSE - Comme tout règlement, les Règles du jeu (2000) de Gustavo Artigas auraient aisément pu faire l’objet d’un énoncé conceptuel. Sa tournure en aurait été la suivante : “Exercice 1 : construire un fronton de pelote basque face au mur de frontière entre le Mexique et les États-Unis. Exercice 2 : sur un terrain commun et dans le même temps, quatre équipes s’affrontent. Deux équipes américaines jouent au basket. Deux équipes mexicaines jouent au football.” Au lieu de cela, l’artiste mexicain a documenté ses deux actions par une vidéo. Présentée à l’occasion de la troisième édition du Printemps de septembre, celle-ci permet de mouler l’absurdité des règles sur une réalité physique. À la frontière, les enfants jouent jusqu’à ce que la balle passe au-dessus du mur, obligeant un des protagonistes à l’escalader. Sur le terrain de basket, les quatre équipes se cognent puis une organisation apparaît, permettant à chacun de s’ignorer tout en cohabitant. La mise en place d’un protocole d’accord est justement une des directions creusées par Marta Gili et Fabienne Fulchéri, les deux commissaires du Printemps de septembre. Car après “Fragilités” en 2002, le thème retenu pour cette nouvelle édition a pour intitulé “Gestes”. “Nous nous proposons précisément d’approcher les ‘gestes’ d’attention, de sollicitude, de responsabilité ou d’engagement présents dans de nombreuses productions d’artistes contemporains, et qui sont la manifestation, une fois encore, de l’équilibre instable sur lequel repose notre expérience, aussi bien personnelle que collective,” déclarent les commissaires dans le catalogue.
Tunnels lancinants
Héritier d’un Printemps de Cahors centré sur l’image mais largement ouvert aux arts plastiques, le festival poursuit sur cette voie et continue à laisser une large place à la photographie. Les Documents/Produits de Palestine de Jean-Luc Moulène, série de 24 images représentant des denrées produites en Palestine, transpirent le conflit dans des mises en scènes froides et expertes. Connue pour ses photographies, Hannah Collins propose, elle, une projection sur cinq écrans. Lyrique et rythmé, ce portrait de groupe prenant pour sujet une communauté gitane de Barcelone tient largement ses quarante minutes. Ce n’est malheureusement pas le cas de nombre d’autres propositions qui penchent vers un format documentaire monolithique, même s’il est stimulé parfois par une mise en scène. Signée par Kutlug Ataman, la double projection de 1 1 = 1, enregistrement du témoignage d’une poétesse turque habitant dans la partie grecque de Chypre, est un parfait exemple de ces tunnels lancinants.
Tout comme la Maison éclusière (intimement habitée par Sylvie Blocher et ses Pratiques quotidiennes pour rendre la vie plus agréable), le Musée du Vieux-Toulouse – qui accueille la pièce de Kutlug Ataman – est venu compléter cette année le parcours du festival. Déterminés par des sous-thèmes, les lieux réservent – à l’exception peut-être de l’Espace EDF-Balzac et du Musée de la médecine – des expositions argumentées comprenant quelques pièces notables. À l’Espace Écureuil, Renaud Auguste-Dormeuil a installé son “Hôtel des transmissions/Jusqu’à un certain point”, repérage vidéo adressé aux correspondants de guerre en mal d’emplacements pour établir leurs quartiers dans les capitales européennes. Pendant ce temps, à l’école des beaux-arts, les peintures de Guy van Bossche content violence et solitude dans une grammaire picturale gentiment illustrative.
C’est donc disséminé dans une dizaine de lieux et avec une cinquantaine d’artistes que le Printemps de septembre commence à prendre ses marques dans la ville rose, même si le format “villageois” de Cahors semblait plus apte à accueillir les expérimentations. Le parcours nocturne lorgne ainsi désormais vers le bon vieux “son et lumière” événementiel. Pourtant, avec les infrastructures mises à disposition par la ville, le festival peut désormais développer des propositions d’envergure.
Sculpturales et flottantes comme à leur habitude, les installations vidéo d’Aernout Mik (lire les JdA n° 125, 13 avril 2001 et n° 164, 7 février 2003) aux Abattoirs, Musée d’art moderne et contemporain, en sont la plus parfaite illustration. À elle seule, cette rétrospective de l’artiste hollandais impose le détour du printemps par le mois de septembre.
Jusqu’au 19 octobre, accueil et information à l’école supérieure des beaux-arts, 5 quai de la Daurade, Toulouse, tél. 05 61 12 02 22, www.printempsdeseptembre.com
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Pour la beauté du geste
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°178 du 10 octobre 2003, avec le titre suivant : Pour la beauté du geste