La Fondation Gianadda célèbre sa centième exposition avec des peintures françaises du Musée Pouchkine.
MARTIGNY (SUISSE) - Cent expositions en trente-sept ans : avec un programme d’expositions de qualité, la Fondation Gianadda sait attirer les foules. Son directeur a surtout l’art de convaincre les grands musées de faire voyager leurs collections (Phillips Collection de Washington en 2004 ; Galerie nationale Trétiakov de Moscou en 1997 et 2001 ; Musée de São Paulo en 1988). Pour célébrer la centième exposition de l’institution, Léonard Gianadda s’offre « La peinture française. Musée Pouchkine, Moscou », une cinquantaine de tableaux présentés comme la crème de la crème du Musée d’État des beaux-arts Pouchkine.
Les collections moscovites étant particulièrement riches en œuvres françaises des XIXe et XXe siècles, le parcours réserve moins d’un tiers de l’exposition aux tableaux des XVIIe et XVIIIe siècles. Suzanne et les vieillards (vers 1710) de Charles de La Fosse ouvre la marche, suivi de quelques perles – le (très propre) Jupiter et Callisto de François Boucher, Renaud et Armide de Nicolas Poussin. Rien ne vient perturber les fastueuses cimaises ornées de toiles aux riches cadres dorés. Claude Lorrain, Claude Joseph Vernet, Hubert Robert, Jean-Baptiste Regnault se succèdent silencieusement. Soudain, L’Automne à Fontainebleau de Diaz de la Peña inaugure la partie consacrée aux paysages de Barbizon, parmi lesquels figure une vue vénitienne de Camille Corot. L’accrochage manque singulièrement de relief et paraît, par occasions, incohérent, et ce, même s’il regorge de très belles toiles – Chevaux de courses d’Edgar Degas, Le Café à Arles de Paul Gauguin, les Lilas au soleil de Claude Monet et Le Portrait du docteur Rey de Vincent Van Gogh.
L’exposition pèche principalement par le manque d’informations sur l’histoire de tous ces tableaux. Fondé par l’universitaire Ivan Tsvetaev en 1898, le Musée Pouchkine abritait au départ une collection de moulages en plâtre et de copies de sculptures réservés à l’usage académique. Il y fut transféré, dans les années 1920-1930, des collections du Musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg (élaborées par la très francophile Catherine II sous l’influence de Denis Diderot et du baron Frédéric Melchior de Grimm), le legs de la collection Trétiakov, les collections de Sergueï Chtchoukine et Ivan Morozov saisies par les bolcheviks…
Plus de 700 œuvres forment aujourd’hui la collection française du Musée Pouchkine. Comment fut donc opéré le choix d’une cinquantaine d’œuvres, alors que, comme tous les musées, l’institution moscovite détient de véritables icônes dont elle ne saurait se passer ? Léonard Gianadda parle d’un choix effectué « en toute amitié. Irina Antonova [directrice du musée russe et commissaire de l’exposition] a fait des propositions, j’en ai fait d’autres. […] Je tenais particulièrement à avoir les Gauguin. Au final, chaque œuvre a été négociée ». Si elle remonte à plusieurs années, cette amitié helvético-russe aura pourtant produit une sélection discutable. À cet égard, le Boucheron (le bar) d’Édouard Manet et Vétheuil sur Seine de Claude Monet sont loin d’être les œuvres « des plus exceptionnelles de la collection », comme il est annoncé, de même des vues parisiennes d’Albert Marquet, si tristes et si semblables. Sans doute cette exposition nourrira-t-elle le projet d’un deuxième volet, où pourront être présentés les véritables chefs-d’œuvre du Musée Pouchkine.
Jusqu’au 13 novembre, Fondation Gianadda, 59, rue du Forum, Martigny, Suisse, 41 27 722 39 78, www.gianadda.ch, tlj 10h-18h. Catalogue, 200 p., environ 30 euros.
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Pouchkine au sommet
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaire : Irina Antonova, directrice du Musée Pouchkine - Nombre d’artistes : 37 - Nombre d’œuvres : 54 (50 huiles, 2 pastels, 1 tempera, 1 gouache) - Nombre de salles : 1
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°220 du 9 septembre 2005, avec le titre suivant : Pouchkine au sommet