En réactivant la “Société secrète des portatifs”?, une exposition réunit à l’Instituto México de Paris une dizaine d’artistes dont Joachim Koester, Mans Wrange et le duo de musique électronique Matmos, autour des thèmes du transportable et du nomade. Chaque participant a été invité à faire parvenir sa contribution dans une mallette ne dépassant pas 15 kg.
PARIS - Inspirée de La Vie et les opinions de Tristram Shandy, de Laurence Sterne, la “Shandy conspiration” est une confrérie légendaire également connue sous l’appellation de “La société secrète des portatifs”. Entre 1924 et 1927, ce groupe informel a dessiné une constellation dans laquelle se sont croisés Walter Benjamin, Federico Garcia Lorca, Witold Gombrowicz ou encore Marcel Duchamp. L’écrivain espagnol Enrique Vila-Matas, qui a pris pour sujet la confrérie dans son Abrégé de l’histoire de la littérature portative (éd. Christian Bourgois, 1990), place dans les conditions d’admission de la société une forte aptitude au déplacement, et surtout la production d’œuvres transportables, à l’exemple de la Boîte-en-valise de Duchamp. Constatant que le nomadisme s’est depuis révélé être un moteur et une condition pour nombre d’artistes, la critique Daniela Franco a rouvert cette malle au trésor en invitant une dizaine d’artistes autour d’une règle simple : envoyer à l’Instituto de México de Paris une œuvre qui tienne dans une caisse de 50 x 30 x 30 cm et ne dépasse pas 15 kg.
La solution proposée par Joachim Koester est en cela imparable, puisque ce dernier a entrepris de mettre en boîte par le biais de l’enregistrement et de la fiction radiophonique l’œuvre du défunt Marcel Broodthaers, artiste connu pour sa redéfinition du musée et de la collection. Mais si Le Meuble chinois du collectif mexicain Ediciones “El Chino” présente ses magazines, musiques et vidéos dans un meuble sur roulettes, et le groupe de rock Sigur Rós donne sa vision de l’Apocalypse à travers un masque à gaz équipé d’un casque stéréo, une majorité de convives se contentent de jouer la carte post-conceptuelle des instructions. Dès lors, la proposition réédite, sous une forme moins radicale, “Do it”, l’exposition conçue il y a une dizaine d’années par l’association autrichienne “Museum in progress” sous la forme d’un livret : le Mexicain Gonzalo Lebrija propose un concours d’avion de papier tandis que son compatriote Augustín Solórzano donne un patron pour réaliser une peinture murale. L’INDI (“Unité monétaire individuelle”) présentée par Mans Wrange prend davantage position dans les circuits de l’échange et de la transformation. Le Suédois s’est appuyé sur les idées d’August Nordenskjöld et de Carl Bernhard Wadström, utopistes de la fin du XVIIIe siècle, pour activer une monnaie individuelle dont la valeur est indexée sur le temps de travail nécessaire à sa production. Sous une tout autre forme, des systèmes de conversion comparables se retrouvent dans le Lapin du duo Matmos. Réduit à sa dépouille, l’animal ne bouge plus depuis longtemps, mais sa peau sert d’ingrédient pour la réalisation d’une composition dansante. Fait de reproduction, de compression, de modulation et d’expansion, le langage de la musique électronique correspond parfaitement à l’idée contemporaine d’une œuvre transportable.
Jusqu’au 3 mai, Instituto de México, 119 rue Vieille-du-Temple, 75003 Paris, tél. 01 44 61 84 44, catalogue, 15 euros.
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Porteurs de valise
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°169 du 18 avril 2003, avec le titre suivant : Porteurs de valise