Des montagnes, des chutes d’eau ou des rivières, et puis un ciel immense peuplé de nuages : tels sont les éléments incontournables, les Ying et les Yang de la peinture de paysage chinoise, littéralement en chinois « peinture de montagnes-eau ».
Tout au long du parcours, de splendides rouleaux réalisés à l’âge d’or du genre, sous la dynastie Ming (XIVe-XVIIe siècle), pour la plupart issus de la riche collection du Musée Rietberg, se dévoilent. Dans ces paysages idéalisés ou réels, l’homme, ermite ou lettré, qu’il soit en marche ou en contemplation, occupe une place minuscule au cœur de l’immensité de la nature. La femme, elle, en est totalement absente : d’autant plus émouvants sont alors les dessins à l’encre d’un album du XVIIe siècle représentant ces élégantes condamnées à vivre dans leurs appartements avec, pour seul échappatoire, la vue d’un jardin ou seule d’un bonsaï. La vraie réussite de l’exposition repose cependant sur leur confrontation avec des œuvres contemporaines chinoises dans lesquelles se perpétue la tradition du paysage. Le dialogue fructueux qui en naît enrichit le regard sur les grands maîtres du paysage d’autrefois, comme Dong Quichang ou Shitao, et, tous médiums confondus, « la poésie sans paroles » agit. Que ce soit dans les tableaux de Qui Shihua, saturés de couches de peinture blanche, ou dans le Broken Landscape de Liang Shaoji dont le long rouleau de soie suspendu évoque une chute d’eau, ou encore dans les photographies mélancoliques aux atmosphères brumeuses de Hai Bo, la nostalgie est omniprésente. Chez Yang Yongliang, même les gratte-ciel d’une ville moderne se transforment le temps d’une vidéo en montagnes magiques, soulignant les nouvelles réalités du paysage contemporain. La nature comme retraite : une aspiration partagée par le monde d’autrefois et celui d’aujourd’hui dont cette précieuse exposition se fait l’écho.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°738 du 1 novembre 2020, avec le titre suivant : Poésie perpétuelle du paysage chinois