C’est dans la pénombre d’un palais italien aux murs voilés de tentures de couleur, que Pier Luigi Pizzi nous invite à découvrir sa collection de peintures du XVIIe. Digne descendant d’un Bernin metteur en scène de la Rome baroque, fort de ses 500 productions opératiques, personnage érudit, Pizzi est l’un de ces derniers « maestri » qui partagent leur temps entre plusieurs palais où ils édifient de prestigieuses collections d’œuvres d’art. Il y a vingt ans, Paris tombe sous le charme de ses mises en scène qui revisitent avec brio l’opéra baroque à l’aide des techniques les plus modernes. Sous son œil, l’Orlando furioso de Vivaldi ou Les Indes galantes de Rameau flirtent ouvertement avec la plus pure picturalité. Le maître confie volontiers avoir puisé l’inspiration au sein même des toiles qu’il affectionne : « Après le Caravage, c’est Rembrandt qui m’a appris à éclairer une scène. » Ces corrélations entre théâtre et peinture s’affirment un peu plus en 1988 avec « Seicento », la fameuse exposition du Grand Palais consacrée aux tableaux italiens des musées de province et dont il signe la scénographie. Sa sensibilité épouse celle du XVIIe, « ce siècle qui est celui du théâtre, aussi bien que celui du naturalisme » selon Antonio Paolucci. Les situations dramatiques, les gestes emphatiques ponctuent les œuvres dont il se porte acquéreur, reflet d’une gestuelle bien connue des acteurs. Attitudes théâtrales du Christ et de Marie-Madeleine dans le Noli me tangere de Mario Balassi. Éloquence du martyre de saint Sébastien, tantôt empreint d’exaltation (Pietro della Vecchia), tantôt de féroce cruauté (Luca Giordano, Giuseppe Maria Crespi). Les sujets profanes retiennent également son attention surtout lorsqu’ils traitent du sentiment amoureux. Physique ou divin, vainqueur ou puni, l’amour prend également les traits d’Endymion de Bartolomeo Guidobono dont la pose renversée libère toute la sensualité. Aux anatomies masculines succèdent les vues d’architectures révélatrices des procédés scénographiques baroques : des plans successifs rythment les scènes, tandis qu’est abandonné le point de fuite unique au profit de plusieurs angles latéraux. « Procédé ayant eu une grande influence sur l’éclairage de la peinture italienne du XVIIe siècle qui devient plus diffus », précise Jean-Marc Olivesi, le conservateur du Musée Fesch, avant d’ajouter que les peintres du XVIIe étaient souvent scénographes. Des similitudes que ne pouvait ignorer le collectionneur Pier Luigi Pizzi.
AJACCIO, Musée Fesch, jusqu’au 3 septembre, cat. 100 p., 180 F.
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Pizzi, du bel canto à la voie picturale
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°518 du 1 juillet 2000, avec le titre suivant : Pizzi, du bel canto à la voie picturale