Pierrette Bloch, de l’art de la litanie

Si le peloton de fil qu’Ariane donne à Thésée doit lui servir à trouver son chemin de retour, les fils de crin de Pierrette Bloch et ses bandes de papier ponctuées n’ont d’autre vocation qu’à « faire quelque chose dans l’espace ». Il n’est question chez elle que d’une sorte de tracé, à l’état d’épure, dont le développement procède d’une façon totalement autonome et qui sanctionne une incroyable liberté de faire. Invitée du cabinet d’art graphique au Centre Pompidou, elle a d’ailleurs immédiatement exclu l’idée de faire une rétrospective mais a été très intéressée par en proposer une mise en espace, c’est-à-dire l’occuper. Qu’elle exploite les ressources plastiques du crin ou de l’encre, qu’elle boucle celui-ci autour d’un fil tendu ou qu’elle dépense celle-là en une succession quasi infinie de petites touches, la démarche de Pierrette Bloch est fondamentalement requise par le dessin. Un dessin rendu à son état le plus élémentaire quand il ne désigne aucune autre forme que celle que le matériau veut bien prendre. Un peu comme si le dessin voulait faire entendre enfin sa propre voix dans les déliés d’une boucle et jusque dans leurs ombres portées sur le mur ou dans les jeux insoupçonnés de la simple tache d’un point. Les notions de rythme et de tonalité, de vide et de plein, de détente et de concentration sont les vrais motifs d’une œuvre fondée sur un rapport au temps et à l’espace dans la plénitude de sa liberté et de son expansion, de sa fantaisie et de sa rigueur. Singulier, l’art de Pierrette Bloch participe de ces démarches artistiques dont la radicalité échappe à toute catégorisation et qui n’est pas sans rappeler certaines attitudes extrêmes qui tiennent de l’art de la litanie.