Art ancien

Pierre Curie : « Artemisia était une artiste extrêmement connue en son temps »

Par Isabelle Manca-Kunert · L'ŒIL

Le 19 mars 2025 - 406 mots

Les musées français ont boudé l’œuvre d’Artemisia, comment l’expliquez-vous ?

En effet, il y a eu peu d’expositions en France et elle est très mal représentée dans nos collections. On ne dénombre qu’un seul tableau d’elle qui est conservé au Musée des explorations du monde à Cannes. C’est vrai que ce sont plutôt les Italiens et les Anglo-Saxons qui se sont penchés sur cette grande artiste. Je ne sais pas pourquoi nos musées n’ont pas eu de coup de foudre pour elle. Peut-être sommes-nous trop chauvins et nous valorisons davantage nos grands caravagesques. Par exemple, c’est la National Gallery de Londres qui a acquis le superbe Autoportrait ensainte Catherine d’Alexandrie qui est passé aux enchères chez Drouot il y a quelques années, et non une institution française.

Beaucoup d’œuvres sortent régulièrement sur le marché, y aura-t-il des tableaux inédits dans l’exposition ?

Oui, il y a beaucoup d’œuvres jamais montrées en France et certaines jamais exposées tout court. Nous présentons de nouvelles attributions et des découvertes récentes, notamment celles de nos commissaires invitées : Patrizia Cavazzini et Maria Cristina Terzaghi. Ces deux grandes spécialistes du caravagisme italien ont mené un exceptionnel travail de défrichage et d’expertise. Certains tableaux sont ainsi sortis à l’occasion de la préparation de notre exposition. L’étude d’Artemisia a vraiment progressé ces dernières années et on comprend mieux son évolution technique et stylistique, et d’une certaine manière son hétérogénéité. Il faut dire qu’Artemisia a elle aussi brouillé les pistes en s’associant avec des artistes. C’est par exemple le cas à Naples où elle se montre très maligne en collaborant avec des peintres locaux pour se faire accepter par ce milieu très concurrentiel et décrocher d’importantes commandes. Y compris des commandes religieuses ce qui était très rare pour une femme au XVIIe siècle. On connaît des tableaux dans lesquels on distingue deux autres mains que la sienne. Elle parvient à adopter un style typiquement napolitain, tout en réalisant des œuvres empreintes de sa personnalité.

Quelles sont les autres nouveautés de l’exposition ?

Nous voulions montrer que c’était une artiste extrêmement connue en son temps ; elle était très célèbre et très demandée par les cours d’Europe. On sait qu’elle a travaillé pour les Médicis mais elle a aussi peint pour la cour d’Espagne, pour Charles Ier d’Angleterre. Loin de l’image que l’on se fait parfois d’elle, nous montrons certains très grands formats qui sont des œuvres prestigieuses destinées à des collections royales ou princières.

Pierre Curie
(né en 1960) est le directeur du Musée Jacquemart-André depuis 2016 et commissaire de l’exposition « Artemisia, héroïne de l’art ». Historien de l’art, il est spécialiste de la peinture italienne. Il a entre autres dirigé la « Revue de l’art » de 2015 à 2020.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°784 du 1 avril 2025, avec le titre suivant : Pierre Curie : « Artemisia était une artiste extrêmement connue en son temps »

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