Plus de mille pièces de Piero Fornasetti ont été réunies par le Musée des arts décoratifs pour brosser le portrait de l’artiste italien dont l’univers onirique a investi les domaines les plus insolites.
PARIS - Difficile de décrire en un mot un être aussi complet et prolifique que Piero Fornasetti (1913-1988). L’homme était tout à la fois dessinateur, peintre, décorateur, imprimeur et éditeur, mais aussi collectionneur et marchand, sans oublier lecteur boulimique. C’est ce qu’évoque cette vaste exposition intitulée « Piero Fornasetti, La Folie pratique », montée en 2013 à la Triennale de Milan et déployée aujourd’hui au Musée des arts décoratifs, à Paris.
La présentation, d’ampleur, permet surtout de découvrir nombre de facettes moins connues, sinon ignorées de cet insatiable créateur. Non, Piero Fornasetti n’est pas qu’un décorateur d’assiettes en porcelaine, en particulier celles ornées du visage énigmatique et lunaire de la soprano italienne Lina Cavalieri – on en a recensé quelque 350 versions différentes ! Fornasetti fut avant tout un dessinateur hors pair. Un art qui, selon lui, ne s’acquiert que selon une règle bien précise, comme le rappelle en préambule, sur une cimaise, cette recommandation du maître : « À qui me demande des conseils pour apprendre “le design”, ce mythe étrange de notre époque, je réponds : “allez apprendre à dessiner le nu”. C’est la seule école pour apprendre le design. Savoir dessiner à la manière des anciens permet de structurer, de projeter une chose ou un objet, une voiture, un frontispice ou la page d’un livre. » L’homme sait de quoi il parle. En témoignent ces suites d’encres de Chine sur papier « Sogni e Mostri » (« Rêves et monstres ») et « Mani » (« Mains »), ces croquis à l’aquarelle Iceberg ou ces étonnants dessins de la série « Erotica ». Certains carnets d’esquisses, ici montrés, sont savoureux. Celui-ci, daté de 1967, est titré non sans humour : Manoscritto di Disegni & Pensieri che Senza Pensare Fornasetti ha fatto [« Manuscrit de Dessins et Pensées que Fornasetti a réalisé sans penser »]. L’artiste est tout aussi productif en peinture, jonglant allègrement d’un style à l’autre : réalisme, cubisme, surréalisme…
Le goût du motif
Deux événements majeurs marqueront la carrière de Fornasetti. Grâce à une presse installée dans l’atelier de son père, Piero – à l’époque, il n’a pas 20 ans – il expérimente les diverses techniques d’impression et de gravure, notamment la lithographie. À l’enseigne de la Stamperia d’Arte Piero Fornasetti, [« Imprimerie d’art Piero Fornasetti »], il édite non seulement son propre travail, mais également des œuvres d’artistes fameux comme Giorgio de Chirico, Marino Marini ou Lucio Fontana. Le principe étant la reproduction, Fornasetti développe alors un incroyable catalogue de motifs. On peut voir, dans la présentation, avec quelle aisance il les décline sur toutes sortes de supports et de matériaux : d’amusants porte-parapluies à de généreuses collections de plats ou d’assiettes – dont la série « Coupoles d’Italie » –, en passant par de somptueux paravents et cabinets. Ces motifs, et c’est le second événement majeur dans la carrière de Fornasetti, le célèbre architecte Gio Ponti les remarque, en 1933, à l’occasion de la première Triennale d’art et d’architecture de Milan : Fornasetti en a truffé une collection de foulards de soie. Ponti édite ses dessins dans la revue d’architecture Domus qu’il dirige alors et lui propose de collaborer. Le tandem décore notamment le salon et les cabines du paquebot Andrea Doria et le Casino de San Remo. Le visiteur découvrira, dans une salle, une série d’élégants meubles – chaise, table, armoire… – réalisés par le duo.
La seconde partie de l’exposition montre, entre autres, comment Barnaba Fornasetti, fils de l’artiste et commissaire de l’exposition, perpétue la tradition familiale, parfois avec facilité – voir ainsi les motifs Lux Gstaad ou Silvia Sub –, depuis qu’il a repris le Studio à la mort de son père. Entre ces deux sections, trône une pièce maîtresse : la Stanza Metafisica [« Salle métaphysique »], vaste paravent constitué de 32 panneaux de 50 cm de large sur 2,5 m de haut conçu pour délimiter un espace et créer, selon Fornasetti, « un lieu dédié à la méditation ». Série d’interpénétrations en noir et blanc de routes et de passages, d’escaliers et d’échelles, de montées et de descentes au cœur desquels l’esprit s’égare à l’envi…
Commissaires de l’exposition : Barnaba Fornasetti, fils de Piero et directeur du Studio Fornasetti, et Olivier Gabet, directeur des Musées des Arts décoratifs.
Scénographie : Giulio Albertazzi, architecte et neveu de Piero Fornasetti.
Nombre de pièces : plus de 1 000
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Piero Fornasetti, le génie du trait
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 14 juin, au Musée des arts décoratifs, 107, rue de Rivoli, 75001 Paris, tel. 01 44 55 57 50, www.lesartsdecoratifs.fr, mardi-dimanche 11h-18h, jeudi 11h-21h, entrée 11 €, catalogue éditions Les Arts décoratifs, 292 pages, 350 illustrations, 55 €.
Légendes photos
Piero Fornasetti, Calendrar La follia pratica, 1947. © Courtesy Fornasetti
Piero Fornasetti, Architettura cabinet, lithographie sur bois, 1951. © Courtesy Fornasetti
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°434 du 24 avril 2015, avec le titre suivant : Piero Fornasetti, le génie du trait