Le Louvre a invité l’écrivain Philippe Djian à imaginer une exposition sur le thème du voyage à partir des collections du musée.
Après Jean-Philippe Toussaint en 2012, le Musée du Louvre a invité, à l’initiative de Pascal Torres, conservateur en charge du fonds d’estampes de la collection Edmond de Rothschild et de la Chalcographie, l’écrivain Philippe Djian à imaginer, à partir des collections du musée, une exposition sur le thème du voyage onirique dans les arts et la littérature.
Comment avez-vous pu avoir accès aux réserves du Louvre ?
J’ai rencontré Pascal Torres, il y a deux ans, par le biais de Jean-Philippe Toussaint qu’il exposait alors au Louvre et dont il m’a demandé d’emboîter le pas. N’étant pas artiste, j’ai eu quelque scrupule à accepter son invitation. Puis nous sommes partis à Shanghaï ensemble, dans le cadre d’une rencontre avec plusieurs auteurs chinois. C’est là que nous est venue l’idée du voyage.
Pourquoi ce thème ? Qu’est-ce que voyager pour vous ?
Pourquoi pas ? Comme le suggère le texte que j’ai composé pour l’exposition, j’adore voyager. Seulement, je ne voyage pas de manière touristique. Je ne me souviens que de New York, où, pour rassurer mes parents, je prétendais être allé au MoMA, au Guggenheim, dans tous ces sites incontournables qui revêtent un moindre intérêt à mes yeux. Voyager, c’est avant tout se déplacer, au sens géographique du terme. C’est être là où l’on ne devrait pas être, faire un pas de côté.
Avez-vous ressenti le même genre de décalage, de dépaysement, en travaillant sur cette exposition ?
Non, ce n’est pas exactement la même chose. On voyage pour apprendre à être seul, à s’ennuyer, à se connaître. Ici, il s’agit d’une véritable collaboration. Tout ce qui est exposé est le fruit d’une discussion. Je dis « Ulysse » et Pascal Torres me propose une série d’amphores noires et rouges du IVe siècle. Nous sommes d’ailleurs fiers de présenter des pièces que l’on ne voit jamais. Nous aurions pu sortir la Joconde, mais avons opté pour un projet qui nous ressemble. Ma chance a certes été de travailler avec un conservateur, mais surtout d’en faire un ami. Je n’ai appelé personne autant que lui, au cours de ces deux dernières années. Nous avons arrêté de fumer ensemble… De toute façon, je ne travaille jamais avec des gens avec qui il ne se passe rien. L’amitié ne fonctionne que quand on s’en sert. Autrement, elle s’assèche.
Quels obstacles se sont dressés sur votre route ?
Tout d’abord, que vais-je présenter ? J’aurais préféré que l’on me confie les collections d’une galerie ou d’un petit musée. Quand on entend le mot « Louvre », on se dit « ouah ! ». J’ai passé des journées entières à m’y promener. Je n’aurais pas pu y arriver seul. Pascal Torres m’a servi de guide, défendu auprès d’autres conservateurs, plus réticents à l’idée de remonter certaines œuvres, tel le Cratère des prétendants du peintre d’Ixion. Je suis presque gêné quand je vois que l’exposition est intitulée « Philippe Djian ». Je ne suis pas un intellectuel, je n’ai pas ses connaissances en arts plastiques.
À ce propos, vous avez franchi la frontière des lettres plus d’une fois, pour aller explorer le monde de la chanson, du cinéma. Quel est votre rapport à l’art ?
Ma femme est peintre. Je suis attiré par les artistes. Et je comprends mieux ceux qui viennent de l’image et du son. Toutefois, ma sensibilité ne me rend pas expert en la matière.
Pourquoi avoir favorisé les gravures ?
C’était plus simple. Elles sont toutes rangées dans des tiroirs. Je pouvais en consulter beaucoup plus. Et c’est agréable de voir les choses venir à soi pour une fois.
Comment expliquez-vous l’absence de panneaux indiquant et expliquant les grandes sections du parcours (le voyage initiatique, le voyage intérieur, l’exil…) ?
C’était un moyen de préserver la naïveté du visiteur et de lui laisser la même liberté de mouvement dont j’ai bénéficié parmi les trésors du Louvre.
Comment faut-il aborder votre catalogue, comme un guide de l’exposition ou comme un carnet de voyage ?
Comme une résonance. Quand j’ai commencé à écrire, j’ai immédiatement pensé : « Je ne peux pas. » Je ne suis pas conservateur. Je n’ai aucune compétence scientifique. Je ne sais qu’écrire. J’ai donc fait ce que tout écrivain aurait fait : j’ai essayé de restituer les images qui m’avaient le plus touché. Enfin, j’ai opté pour la même approche, explosée, que l’exposition, mis à part que mon texte, en tant qu’il traduit ma propre expérience, se veut beaucoup plus éclaté. Et encore, j’ai dû me limiter à une sélection de soixante-dix œuvres environ.
Êtes-vous en train d’annoncer une suite, une exposition « Voyages II » ?
Je pense que Pascal Torres et moi n’allons pas nous arrêter là. Nous n’avons pas tout exploré tous les deux, même si j’ai conscience de devoir désormais laisser la place à d’autres écrivains.
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Philippe Djian : « Je n’aurais pas pu y arriver seul »
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 23 février, Musée du Louvre, aile Sully, 99, rue de Rivoli, 75001 Paris, tél. 01 40 20 53 17, tlj sauf mardi 9h-18h, mercredi et vendredi jusqu’à 21h45, entrée 12 €, www.louvre.fr. Catalogue.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°427 du 16 janvier 2015, avec le titre suivant : Philippe Djian : « Je n’aurais pas pu y arriver seul »