Autour de la figure divine et humaine de Pharaon, l’exposition de l’Institut du monde arabe (IMA) réunit 230 œuvres souvent exceptionnelles.
PARIS - Du haut de ses trois mètres, le Colosse de Toutankhamon domine le visiteur dès l’entrée de l’exposition organisée par l’IMA. Cette ouverture impressionnante inaugure un parcours prenant pour fil rouge la personnalité de Pharaon, ce qui n’avait encore jamais été fait dans une exposition. Les deux cent trente pièces réunies permettent d’évoquer la civilisation égyptienne à travers sa figure la plus emblématique, à la fois dieu et homme, prêtre, administrateur, guerrier, roi au pouvoir universel, garant de la prospérité de l’Égypte… Présentée au palazzo Grassi à Venise en 2002-2003 avec un choix d’œuvres sensiblement différent, l’exposition laissera peut-être sur leur faim les égyptologues – elle n’apporte rien de neuf du point de vue scientifique –, mais devrait ravir le public, déjà très nombreux dès l’ouverture de l’exposition. En un découpage clair, elle explore les multiples facettes du personnage en insistant sur sa dualité, son caractère divin et humain, privilégiant ce second aspect moins souvent étudié. Après une « galerie » de portraits à l’effigie de ceux qui ont gouverné l’Égypte (Sésostris III, Hatchepsout, une rare sculpture en albâtre de Khéphren...), le statut d’intermédiaire entre les hommes et les dieux de Pharaon est mis en perspective. Puis sont présentés des objets décrivant la sphère privée, son habitat (le coffret au nom d’Aménophis III en bois peint, décoré de faïence bleue, le lit de Toutankhamon...), sa famille, sa cour, ses palais. Une peinture retrouvée à Tell El-Amarna représentant des oiseaux dans un marais, d’une grande fraîcheur de coloris, constitue un témoignage exceptionnel des décors – pour la plupart disparus – qui ornaient les palais.
Les œuvres proviennent pour moitié du Musée du Caire, l’autre partie étant prêtée par différentes institutions, notamment le Musée du Louvre. La majorité d’entre elles datent du Nouvel Empire. Comme l’explique dans le catalogue Christiane Ziegler, conservateur général chargé du département des Antiquités égyptiennes au Louvre et commissaire scientifique de l’exposition, « les œuvres ont volontairement été limitées à la période du Nouvel Empire [de la XVIIe à la XXe dynastie], l’un des apogées de l’histoire égyptienne durant lequel les témoignages sont très abondants et explicites. La nécessité de montrer un trésor de tombe royale a conduit à englober dans le propos la Troisième Période Intermédiaire [de la XXIe à la XXVe dynastie]. Le trésor des rois de Tanis […] est en effet avec celui de Toutankhamon le seul ensemble funéraire témoignant de la magnificence du viatique que le pharaon emportait dans l’au-delà ». Le trésor des rois de Tanis – capitale des rois qui ont succédé à la XXe dynastie – constitue en effet l’un des points forts de l’exposition. Découvertes dans la partie orientale du delta du Nil en 1940, les tombes renfermaient un ensemble considérable de bijoux et d’orfèvrerie. L’exposition montre une vingtaine de pièces en or et en pierres semi-précieuses exhumées de ces sépultures, ainsi que le masque funéraire de Psousennès Ier, en or pur.
Nombre d’œuvres n’ont jamais été vues en France et se trouvent ici particulièrement bien mises en valeur, superbement éclairées, notamment le monumental Pilier d’un temple de Karnak, première figure d’Akhénaton dans l’attitude du dieu Osiris. La dernière partie du parcours, consacrée à la mort de Pharaon et à son éternité dans l’au-delà, est en revanche inutilement plongée dans le noir. Une présentation (trop) habituelle pour ce type d’œuvres à laquelle on espérait avoir échappé au vu de la scénographie lumineuse du reste de l’exposition.
Parallèlement à l’exposition parisienne, d’autres événements célèbrent actuellement l’Égypte. À Grenoble, le Musée dauphinois présente 27 statues issues de la « cachette » du temple de Karnak – lieu principal du culte d’Amon-Rê –, découvertes parmi des milliers d’autres par l’archéologue Georges Legrain en 1903. Effigies royales, hauts dignitaires et civils égyptiens dans un parfait état de conservation se côtoient dans cette exposition qui témoigne de l’une des plus incroyables découvertes. À Bonn, Toutankhamon est à l’honneur à travers une exposition d’envergure précédemment proposée à Bâle où elle avait attiré environ 600 000 visiteurs. « L’or de l’au-delà » rassemble plus d’une centaine d’œuvres retrouvées dans la tombe du plus célèbre des pharaons, des pièces étincelantes rarement présentées hors d’Égypte. - « Trésors d’Égypte, la cachette de Karnak », jusqu’au 3 janvier 2005, Musée dauphinois, 30, rue Maurice-Gignoux, 38000 Grenoble, tél. 04 76 85 19 01, tlj sauf mardi 10h-18h. - « Toutankhamon, l’or de l’au-delà », jusqu’au 1er mai, Kunst-und Ausstellungshalle, Friedrich-Ebert-Allee 4, Bonn (Allemagne), tél. 49 228 91 71 200, lundi 10h-19h, mardi au dimanche 10h-21h.
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Pharaon, à la vie, à la mort
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 10 avril, Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, place Mohammed-V, 75005 Paris, tél. 01 40 51 38 38, www.imarabe.org, tlj 10h-18h, week-end et jours fériés 10h-19h, fermé le lundi, nocturne le jeudi jusqu’à 21h30. Cat. IMA/Flammarion, 320 p., 45 euros.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°203 du 19 novembre 2004, avec le titre suivant : Pharaon, à la vie, à la mort