Au cinéma comme en politique, la violence fait recette en faisant appel à un affect à la mode : la peur. Les journaux d’information en connaissent un rayon sur le sujet, eux qui ont souvent enregistré leurs meilleures audiences après les attentats du 11 septembre 2001.
Cela suffit-il pour autant à faire un bon sujet d’exposition ? Oui, dans la mesure où le sujet est correctement traité. Non, s’il est choisi pour sa seule capacité à faire du buzz, comme c’est le cas de l’actuel accrochage de la Monnaie de Paris : « Peurs sur la ville ».
L’affiche ne cache d’ailleurs rien des ambitions de la Monnaie en reprenant le photomontage d’un tank carbonisé devant l’arc de triomphe de la place de l’Étoile, trucage signé Patrick Chauvel (reporter de guerre) et Paul Biota. Si l’effet de cette image n’est pas des plus heureux, sa facilité revêt quelque chose de sympathique jusque dans la rhétorique simpliste de Chauvel qui cherche à nous prévenir : « Prenez garde, la guerre n’arrive pas qu’aux autres ! » Avis que partage l’historien Max Gallo, dont on se demande quelle baïonnette l’a piqué pour parrainer pareille thématique : « [L’exposition] est un appel à la lucidité et à la vigilance. » Alors soit. Parisiens, soyez vigilants ! Diverses violences ont meurtri Paris depuis la Libération, comme le rappellent les photos tirées des archives de Paris-Match : le métro Charonne (1962), l’incendie criminel du CES Édouard-Pailleron (1973), l’attentat de la rue Marbeuf (1982), les casseurs des manifestations de 2010, etc.
Bien, mais après ? Que doit-on conclure du rapprochement de ces événements qu’aucun cartel ne vient remettre en perspective ? Comment justifier la présence, au milieu de ces violences physiques, autrement que par la mode, des photos que Michael Wolf est allé puiser dans l’application Google Street View, atteintes aux libertés dans une société où domine Big Brother ? Et comment articuler cette dernière démonstration avec les photomontages apocalyptiques – la tour Montparnasse frappée par un avion – de Chauvel ?
Alors oui, « Peurs sur la ville » est bien un vrai sujet d’exposition, mais qui aurait nécessité ici un discours historique, scientifique, sinon photographique, pour sortir des vieilles ficelles populaires. Une belle opportunité pour la Monnaie, qui s’apprête à fermer ses portes afin de restaurer ses espaces, de revoir sa copie pour sa réouverture prévue en 2012.
Monnaie de Paris, 11, quai de Conti, Paris VIe, jusqu’au 17 avril 2011, www.monnaiedeparis.fr
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Peurs sur la Monnaie
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°633 du 1 mars 2011, avec le titre suivant : Peurs sur la Monnaie