Né en 1970, Pierre Malphettes a entrepris ses dernières années une œuvre doucement utopique mais toujours concrète. À la Friche la Belle-de-mai de Marseille, son exposition présente quelques-unes de ses sculptures, construites avec une grande économie de moyens. Vidéo d’une dizaine de minutes, son Festin retrace, lui, le sacrifice d’un buffet.
MARSEILLE - Une boule à facettes qui pleure. Le Bal est fini (2003), de Pierre Malphettes, écoule le disco en de longs sanglots mais, dans son immense nostalgie, ne demande qu’à repartir de plus belle. Entre deux danses, le travail de Pierre Malphettes se construit sur des rêves, prenant la forme de sculptures doucement utopiques mais toujours concrètes. Invité en 2000 au Printemps de Cahors, l’artiste avait transformé une vitrine en aquarium à sacs en plastique volants animés par une soufflerie. L’an passé, lors de son passage par l’espace parisien Public, il avait posé un pont spatio-temporel : une passerelle d’acier munie sur ses deux faces du lettrage XSPACE. Invité par l’association Triangle France, qui gère ateliers et espace d’exposition dans la friche marseillaise de la Belle-de-mai, Pierre Malphettes a ordonné le plateau qui lui est offert en une suite d’épisodes, les annonçant par une longue sculpture lumineuse à l’intérieur de laquelle des tubes fluorescents étirent un spectre du jaune au violet, Le Jour et la Nuit (2003). En face de sa boule disco, Malphettes a remonté Light Cube House (2001), une boîte de bois clair et de néons dans laquelle on peut pénétrer. À l’intérieur, la lumière qui passe entre les planches engourdit les sens. Dans ce cube de fortune à l’architecture pourtant si moderne, la magie des cabanes d’enfant rôde.
Séparé par une série de cimaises entrebaîllées, le Jardin (2003) a été cultivé par l’artiste pour l’occasion. La nature y est réduite à sa portion domestique la plus congrue. Des séries d’avocatiers poussent sur des étagères, tandis que des néons colorés, gribouillis de lumière sur un mur et un poteau, ont figé avec malice – et non sans référence aux écritures tautologiques de Joseph Kosuth – une trajectoire de mouche et une autre de fourmi. Présenté dans un renfoncement en clôture de l’exposition, Le Festin pourrait bien être un prototype de “sculpture sociale”. Pendant deux mois, l’artiste a réuni ses proches autour d’une idée rageuse comme une dispute de famille : lancer un buffet du haut de la maison. Tout en ralentis, la vidéo d’une dizaine de minutes qui en résulte maintient le suspens avec une bande-son entêtante. Monté dans un rythme dont la tension va croissante, le film montre simultanément la chasse au buffet dans les dépôts-ventes et la préparation du repas qui va suivre le sacrifice. À la fin, le buffet bascule du toit de l’immeuble et se fracasse avec sa vaisselle sur le sol. Une liquidation totale pour mieux se retrouver.
Jusqu’au 5 juillet, Galerie Friche la Belle-de-mai, 41 rue Jobin, 13003 Marseille, tél. 04 95 04 96 11, tlj sauf lundi et dimanche, 15h-19h, www.lafriche.org/triangle.
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Petit plats dans les grands
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°173 du 13 juin 2003, avec le titre suivant : Petit plats dans les grands