« J’espère qu’on ne retiendra pas seulement de moi que j’étais un photographe gay », répétait Peter Hujar à la fin de sa vie.
La relecture de son parcours proposée au Jeu de paume, trente-trois ans après sa disparition, ne fait aucun doute. Les cent-cinquante portraits choisis évoquent autant une vie, une ville (New York) que des êtres, souvent des proches ou qu’il connaît assez bien. « Mon travail est dans le droit-fil de ma vie », disait-il, et le portrait, central dans sa pratique, la quintessence d’un instant, d’une rencontre et d’une liberté d’être ce que l’on est. Peter Hujar a été une figure importante de la scène artistique d’East Village dans les années 1970-1980 et son choix d’abandonner la photographie de mode pour ne se consacrer qu’à son travail personnel, quitte à vivre dans un dénuement constant, a été le marqueur d’un esprit rebelle à l’establishment, quel qui soit, y compris dans la communauté LGBT new-yorkaise. De ses tout premiers portraits, dont celui en 1955 de son professeur de lettres, aux derniers réalisés en 1985, il émane une constante intimité, une empathie avec ce qu’il photographie, qu’il soit adulte ou enfant, animal, rue, paysage ou environs de New York. Leur traitement identique (tous réalisés en 6 x 6 et en noir et blanc) et les tirages d’une constante sobriété qu’il en fait traversent le temps sans perdre de leur présence ni convoquer en fond une époque où être gay aux États-Unis était interdit. L’affirmation de son identité, de sa sexualité, de ses propres codes ou de son goût pour le travestissement aboutit chez Hujar à une autobiographie subtile et attachante où l’on croise parfois des visages connus, comme celui de Susan Sontag, et où la fascination pour la mort exprimée sans détour se juxtapose toujours aux vivants.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°729 du 1 décembre 2019, avec le titre suivant : Peter Hujar, une vie en un condensé d’images