À la façon dont leurs architectures feintes et leurs perspectives abolissent les limites de la paroi, les Bibiena, famille de peintres et scénographes bolonais, ont ignoré les frontières, mettant leurs talents au service de toutes les cours d’Europe pendant quatre générations. Dans le cadre des manifestations de Bologne 2000, la Pinacothèque nationale leur consacre une grande exposition justement baptisée « Les Bibiena, une famille européenne ».
BOLOGNE - Sur quatre générations et plus d’un siècle, la famille Galli Bibiena a essaimé dans l’Europe entière : de Giovanni Maria (1619-1665), fondateur de la dynastie, à l’arrière-petit-fils Filippo, actif à la fin du XVIIIe siècle, en passant par les deux frères Ferdinando (1667-1743) et Francesco (1669-1739) et leurs fils et petits-fils, ils sont une dizaine à avoir pratiqué l’art de la peinture, de l’architecture et de la scénographie. On les retrouve en Italie, en Autriche, en Bohême, en Russie, en Allemagne ou encore dans la péninsule Ibérique. “De Dentone à Bibiena, écrit Roberto Longhi dans Moments de la peinture bolonaise, les quadraturistes et les scénographes bolonais fournissent des palais enchantés à la moitié de l’Europe ; le moindre taudis peut ad libitum se transformer en palais. Est-il besoin d’ajouter que cette tendance se répand aussi dans l’architecture réelle, dans l’aspect de la Bologne des XVIIe et XVIIIe siècles, démultipliée en espaces, lignes de fuite et vues agréables de toute part ?”
Nés pour le service du roi
L’exposition restitue le déroulement et l’entrelacement des expériences des Bibiena, en mettant en lumière leur contribution originale à la culture européenne. Dessins, peintures, projets, maquettes, modèles réduits, gravures et tapisseries témoignent des ressources de la perspective telle qu’ils la pratiquent, tant dans le décor intérieur qu’au théâtre : la quadratura, une architecture peinte de manière parfaitement “illusionniste” ouvre dans les parois de vastes espaces aux perspectives complexes, emplit la surface de constructions fantastiques. Au théâtre, les Bibiena ont tout simplement révolutionné l’art scénique traditionnel, en déplaçant le point de fuite de la perspective vers les côtés de la scène : au centre, ils placent un coin de palais, de loggia ou de pont, à partir duquel se multiplient les lignes de fuite.
Si projets et maquettes conservent une image de leurs scénographies fantastiques, de magnifiques exemples de leur art subsistent dans de nombreux bâtiments, que ce soit à Bologne (palais Malvezzi et Fantuzzi, Teatro Comunale, pour n’en citer que quelques-uns) et aux alentours (le corps central et le jardin du palais royal de Colorno restructuré par Ferdinando, par exemple) ou bien dans la région de Mantoue ou à Rome, Naples, Milan et Turin.
Mais Ferdinando et Francesco, et leurs descendants, ont surtout travaillé dans les grandes cours européennes, ce qui fait dire au secrétaire et biographe de l’Accademia Clementina de Bologne, Alessandro Zanotti, en 1739 : “Les Bibiena sont des hommes aux idées si vastes et si magnifiques, qu’ils semblent nés pour le service des rois et des empereurs.” En effet, après avoir travaillé à Parme et à Plaisance pour les Farnèse, Ferdinando est appelé par l’empereur Charles VI à Barcelone et à Vienne comme scénographe et ingénieur théâtral, tandis que Francesco réalise de somptueux spectacles à Gênes et surtout à Naples, à l’occasion de la venue de Philippe V d’Espagne, en 1702, dans la capitale parthénopéenne.
- LES BIBIENA, UNE FAMILLE EUROPÉENNE, 23 septembre-7 janvier, Pinacothèque nationale, 56 via Bella Arti, Bologne, tél. 39 051 24 32 22, tlj sauf lundi 9h-14h.
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Perspectives européennes
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°111 du 22 septembre 2000, avec le titre suivant : Perspectives européennes