NANTES - Charles Coypel (1694-1752), peintre du roi ayant fait de la dramaturgie son violon d’Ingres, débattait de la supériorité de la peinture sur le théâtre, appelant les deux allégories querelleuses à trouver un terrain d’entente dans son Parallèle de l’éloquence et de la peinture (1751).
La réconciliation a lieu sur les cimaises du patio du Musée des beaux-arts de Nantes (Loire-Atlantique) dédiées à Coypel père et fils, Jean-François de Troy et Carle Van Loo. Tout au long de la première moitié du XVIIIe siècle, ces artistes se sont attachés à renouveler la peinture d’histoire en lorgnant du côté de la scène de leur temps. Sous les règnes de Louis XIV et Louis XV, les pièces de Racine, Corneille et Quinault envahissent le théâtre et l’opéra parisiens. Elles s’inspirent des grandes machines littéraires (Homère, l’Ancien Testament, le Tasse, l’Arioste) qui constituent le réservoir d’histoires habituel pour des pinceaux abonnés au « grand genre ». En quête de passions, les artistes alimentent une rhétorique des gestes par le biais d’attitudes conventionnelles, tel le visage caché de l’indescriptible douleur (Jean-François de Troy, Créüse consumée par la robe empoisonnée, 1746). Ils recherchent avant tout la lisibilité de l’action, voulant « faire comprendre en un instant », celui de l’acmé dramatique dont l’évanouissement d’Esther pourrait être l’incarnation, ce qu’un art volubile « ne peut faire entendre qu’à force de paroles » (Charles Coypel, La Poésie et la peinture).
Hors des sentiers battus
Cette petite exposition nantaise a le mérite de sortir des sentiers battus en resserrant son propos autour d’artistes peu connus du grand public et d’offrir une belle mise en regard de différents supports – les études préparatoires, la peinture, la tapisserie – à travers une sélection d’œuvres qui témoigne du dévouement des institutions prêteuses : « Sur les 60 peintures que nous souhaitions, nous en avons obtenu 52 », se réjouit la commissaire scientifique, Adeline Collange-Perugi. La démonstration offre, en outre, une réflexion sur la peinture morale au XVIIIe siècle qui vient prolonger le discours de « L’Antiquité rêvée » présentée récemment au Musée du Louvre, à Paris. Ici, la peinture morale rencontre bien souvent l’artificialité : dans Roland découvrant la perfidie d’Angélique (1733), Charles Coypel a transporté la scène à l’opéra, par le biais de bergers rejouant les amours d’Angélique et Médor. Telle Mademoiselle Clairon, l’égérie des peintres, sacralisée dans le rôle de Médée, les comédiens ont pris le pas sur les personnages.
Commissariat scientifique : Adeline Collange-Perugi, conservatrice au Musée des beaux-arts de Nantes ; Juliette Trey, conservatrice chargée des peintures XVIIIe au château de Versailles
Nombre d’œuvres : 54
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Peinture vivante
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 22 mai, Musée des beaux-arts, 10, rue Georges-Clemenceau, 44000 Nantes, tél. 02 51 17 45 00, www.museedesbeauxarts.nantes.fr, tlj sauf mardi 10h-18h, jeudi jusqu’à 20h. Catalogue, Fage éditions, 179 p., 28 euros, ISBN 978-2-8497-5219-7
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°342 du 4 mars 2011, avec le titre suivant : Peinture vivante