Donner à voir différemment le monde et à le penser autrement. Voire à le rêver.
C’est le projet, ambitieux mais salutaire, que s’est donné l’artiste Bruno Peinado. Pour cela, l’artiste reprend les signes de notre quotidien pour les déplacer, les dévoyer. L’installation qu’il réalise en 2016 pour la façade du Musée régional d’art contemporain de Sérignan détourne ainsi des panneaux publicitaires et des enseignes lumineuses pour en faire des monochromes de couleur (Il faut reconstruire l’hacienda). De l’art à la place des pubs. C’est ainsi que Bruno Peinado nous oblige à réfléchir à notre place dans la société de consommation et de communication, comme à la place de l’art (et celle du musée) dans la ville. Né en 1970 à Montpellier, l’artiste appartient à cette génération d’artistes nés avec les médias et Supports/Surfaces. Des premiers, il a hérité un regard critique sur le monde ; des seconds, les outils et l’esprit pour le critiquer. L’exposition qu’il a réalisée au Shed prolonge la proposition faite en 2016 à Sérignan. L’artiste y reprend les couleurs pastel, les formes géométriques simples, comme son goût pour le jeu, tout en assumant un peu plus encore son « retour » à la peinture. Dans la première salle de l’ancienne usine de fabrication de bougies du Shed reconvertie en centre d’art, de grands tableaux abstraits tournent sur eux-mêmes ; à leur revers, des miroirs recouverts de plastique renvoient l’image des tableaux voisins qui tournent, eux aussi, sur eux-mêmes. Dans la seconde salle, un rideau peint glissant sur un rail crée un labyrinthe de couleur dans lequel le visiteur est invité à entrer. C’est ludique et théâtral. Jubilatoire aussi.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°737 du 1 octobre 2020, avec le titre suivant : Peinado, ludique et jubilatoire