Depuis 2017, le centre d’arts et de la nature du Domaine de Chaumont-sur-Loire programme un rendez-vous spécifique consacré à la photographie.
La programmation resserrée sur six travaux de photographes gagne cette année en cohérence, articulation et fluidité. Comme de coutume, les commandes spécifiques et résidences délivrent leurs travaux inédits ou méconnus sur la Loire et sur le domaine, mais aussi pour la première fois hors de ces territoires dans un lointain au nom évocateur des plus anciennes civilisations d’Afrique : le royaume de Méroé, dans l’ancienne Nubie. L’organisation et le financement du séjour de Juliette Agnel au nord du Soudan ont permis à la photographe de poursuivre sa troublante cartographie onirique du monde. Sous des cieux étoilés et lumineux, ses images nous transportent dans un temps surgi des sables. Dans des camaïeux de terre, désert, roches, pyramides, stèles, anciens palais ou autres vestiges forment des éléments d’un paysage nocturne à haute intensité picturale, fictionnelle et émotionnelle. Les visions de Bae Bien-U des lignes et flancs voluptueux des collines de l’île volcanique de Jeju en Corée du Sud sont d’autres invites au voyage et à la contemplation. Les portraits animistes de fleurs ou de plantes du Mexicain Juan San Juan Rebollar, empreints d’on ne sait quelles furies gargantuesques ou de désirs de virevolter, tranchent avec l’épure du photographe coréen. Le retour aux paysages de la Loire filmés par Jeffrey Blondes, à ses courants d’eau impétueux captés par Manolo Chrétien ou aux embrassements de lumière du Domaine de Chaumont narrés par Henry Roy, n’échappe pas moins aux antinomies du langage du vivant et du temps.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°731 du 1 février 2020, avec le titre suivant : Paysages en miroir du temps