Pascal Pinaud, sur les chemins de la liberté

RENNES - Fidèle à une des orientations fondatrices de sa collection – la peinture, considérée dans son ouverture et sa plus large extension et soucieuse de l’héritage de l’abstraction et de son dépassement – le Frac Bretagne présente une exposition du Niçois Pascal Pinaud, empruntant son titre au récit de Jack Kerouac Sur la route. L’ensemble des trois salles est consacré à un parcours parmi des séries, engagées depuis les années 1990 pour certaines.

La dimension rétrospective assumée s’efface cependant car la production la plus récente constitue la part principale de l’accrochage conçu, voire scénarisé, par les formes et gestes très variés avec lesquels Pinaud joue. La verve formelle de l’artiste s’impose au premier instant. Le visiteur pourrait penser se trouver devant une exposition collective tant les langages sont variés : peinture, photographie, installation, rien n’arrête l’appétit d’invention de l’artiste, nourri par une solide culture picturale mais aussi par le sens de l’emprunt aux matériaux trouvés, aux savoir-faire de l’artisanat (voir JdA n° 361, janvier 2012) et aux pratiques vernaculaires et domestiques.

Fidèle au tableau dans sa matérialité, Pascal Pinaud veille de près aux dispositifs d’accrochage, au point de partager ici le commissariat avec Dominique Abensour, commissaire invitée et bonne complice du travail et de l’esprit de l’artiste. La première salle associe l’objet trouvé avec le toit de camion en aluminium récupéré et préparé (Tel quel, 2003) avec la photo (Suite berlinoise, 2012, séquence d’images de panneaux publicitaires vides se faisant tableaux matiéristes minimalistes), la sculpture au sol (un sol de terre marqué d’empreintes de pieds nus de marcheurs, de plus de sept mètres de long, en céramique, qui donne son titre à l’exposition), des objets photographiques (Stères, 2006-2011) des tableaux mêlant tissus, tricot et peinture. Le point étiré (2015) est un paysage photographique imprimé de plus de dix mètres de long qui sert aussi de support à plusieurs tableaux eux-mêmes composites.

Éclectisme et dynamisme
Sans craindre la tentation du décoratif ni celle de la virtuosité, le sens de la mise en scène se retrouve dans la salle suivante, avec encore des superpositions de tableaux photographiques sur un mur couvert de tapis, alors que les Dessins (près de 150 petits formats de peintures, collages, détournements d’imprimés) couvrent totalement un autre grand mur. Dans la grande salle du haut, la série des tôles débutée en 1994 et qui demeure une des réussites de l’artiste, régit l’espace avec une monochromie joueuse, qui accepte l’anecdote et l’aspect séduisant-répulsif de la peinture de carrossier automobile sur des surfaces diversement embouties et accidentées. Les groupes ainsi constitués sont placés sous une série d’œuvres invitées, de Villeglé à Iain Wallace, accrochées très haut sur les cimaises, qui sont autant d’hommages.  L’exposition fait se croiser toutes sortes d’enjeux, d’autant perceptibles que l’esprit de jeu, la logique processuelle et l’ironie dynamisent le travail, le rendent à la fois insaisissable et parfois même presque démonstratif, voire didactique. Revendiquées, ruse et dérision parfois agacent, souvent séduisent, à l’image d’un accrochage où l’accumulation produit en tout cas une exposition vivifiante.