Otto Dix face à l’Histoire

Par Eric de Chassey · L'ŒIL

Le 1 juillet 1998 - 316 mots

On a beaucoup vu de tableaux d’Otto Dix dans des expositions thématiques ces dernières années, dans « Face à l’histoire », « Les années trente » ou encore « Identité et altérité ». C’est que cet artiste incarne mieux qu’aucun autre l’art de la république de Weimar, en même temps que les contradictions du modernisme, en particulier allemand. Cette rétrospective, la première à lui être consacrée en France, permet de mieux comprendre les enjeux de l’œuvre, de les saisir dans leur succession parfois chaotique, sans pour autant les isoler complètement de leur contexte historique. Pendant la période où il s’est associé à Berlin aux activités des dadaïstes, Dix a voulu soumettre sa production aux impératifs de son engagement politique. Mais les tableaux-collages qu’il expose alors, comme Rue de Prague de 1920, ne viennent pas seulement de « l’amour du prolétariat » ; ils sont aussi dans la continuité des dessins tragiques qu’il a rapportés des tranchées de la Première Guerre mondiale. Pendant les années qui en font la figure de proue du vérisme de la Neue Sachlichkeit, ce n’est pas exclusivement à un constat de la misère urbaine qu’il se livre dans des tableaux majeurs comme le triptyque Metropolis de 1928, mais aussi à un retour parfois ambigu aux modèles traditionnels de l’art gothique comme Schongauer ou Dürer. Ses portraits, comme celui de la célèbre journaliste Sylvia von Harden, sont impitoyables : « Chaque personne a sa couleur spécifique qui a une incidence sur l’ensemble de la toile. L’essence intime de chaque homme s’exprime dans son apparence extérieure, l’extérieur est l’expression de l’intérieur, c’est à dire l’extérieur et l’intérieur sont semblables ». Avec les toiles d’après la guerre, et celles réalisées jusqu’à sa mort en 1969, c’est tout un pan de l’œuvre de Dix qui reste à découvrir, un travail marqué par un retour à l’expressionnisme pour le moins intrigant.

SAINT-PAUL-DE-VENCE, Fondation Maeght, 2 juillet-18 octobre.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°498 du 1 juillet 1998, avec le titre suivant : Otto Dix face à l’Histoire

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