Voilà une exposition qui a du sens et qui donne du sens, à l’opposé de certaines grands-messes uniquement préoccupées d’aligner le plus grand nombre de chefs-d’œuvre venus du monde entier. Comment lire, comment comprendre aujourd’hui les tableaux religieux ? Pour la première fois, un musée ose s’attaquer au sujet, à travers une sélection rigoureuse de 79 œuvres allant de l’Antiquité aux années cinquante.
LONDRES - Commentant l’exposition dans The Observer, Andrew Marr, utilisait une belle métaphore : imaginez une magnifique bibliothèque dans un monde où plus personne ne saurait lire. Les visiteurs déambuleraient devant les livres, admireraient les reliures, les illustrations… Le désarroi du public des musées devant des œuvres sacrées est le même dans une société laïque, multiconfessionnelle, où l’éducation ne transmet plus l’explication des religions et des mythes qui nourrissent pourtant toujours l’imaginaire. Quant aux conservateurs, ils se préoccupent avant tout d’une lecture formelle ; le passage de la tempera à la peinture à l’huile les intéresse davantage que celui de l’Ancien au Nouveau Testament. Face à cette absence, la National Gallery fait un travail pédagogique remarquable, offre un catalogue lisible à moins de 100 francs et – of course ! – l’entrée gratuite. Les 79 œuvres ont été délibérément empruntées à des collections publiques britanniques, afin que les visiteurs puissent les retrouver dans un autre contexte. Regroupées en cinq sections, elles montrent les multiples réponses des artistes à la difficile représentation de la dualité Homme/Dieu, agneau-berger (Zurbarán), de l’enfant qui va nécessairement mourir. Bellini construit une adoration du nouveau-né comme une Pietà ; Murillo peint un enfant émouvant, dormant près d’un crâne, Bruegel un bambin effrayé par la myrrhe… Tendresse et cruauté, foi et désespoir alternent dans un parcours qui se clôt avec le Christ de Dalí, dont l’achat en 1952 par le Musée de Glasgow avait déclenché une controverse. L’exposition ne circulera pas (lire le JdA n° 95, 17 décembre 1999). En France, beaucoup la jugent impossible à réaliser. La Ville de Paris l’avait envisagée mais y a renoncé. Il faut donc aller à Londres.
- L’OPÉRA. UN CHANT D’ÉTOILES, jusqu’au 2 juillet, Ateliers de La Monnaie, 23 rue Léopold, Bruxelles, tél. 32 70 23 39 39, tlj sauf lundi 12h-18h, jeudi 12h-20h. Catalogue 330 p., 1 250 FB.
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Oser le Christ
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Abonnez-vous dès 1 €La démocratisation de la culture, l’élargissement des publics sont à juste titre des sujets de préoccupation du ministre de la Culture et ont nourri des discours de Catherine Trautmann. Un moyen d’action essentiel persiste cependant à demeurer hors du champ d’intervention : la télévision. On se gargarise du service public alors que celui-ci n’entretient pas, ou peu, de relation avec les musées et réciproquement. L’exposition sur l’image du Christ offre un exemple pertinent qu’il serait bon de suivre de ce côté de la Manche. À partir du dimanche 2 avril et jusqu’à Pâques, BBC TWO va diffuser quatre émissions conçues par le directeur de la National Gallery, Neil MacGregor. Celles-ci élargissent le sujet de l’exposition ; partant des catacombes romaines et allant jusqu’à l’Internet, elles présentent d’autres œuvres et ont filmé des manifestations populaires autour de reliques, en Europe – le Saint Suaire – et en Amérique latine. L’équation est simple et évidente. Les téléspectateurs intéressés par BBC TWO iront voir l’exposition, les visiteurs de la National Gallery regarderont la télévision. Pourquoi une telle collaboration ne fonctionne-t-elle toujours pas en France ? Face aux atermoiements des uns et des autres, seule une réelle volonté ministérielle paraît capable de vaincre les résistances.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°102 du 31 mars 2000, avec le titre suivant : Oser le Christ