Un peu gêné par la propension des commissaires canadiens, qui accueillaient cette exposition sur le paysage, à considérer que tout peintre plus ou moins intéressé par la spiritualité est un mystique, le Musée d’Orsay tente de diluer le propos.
PARIS - Au-delà de la délectation ressentie à la contemplation d’œuvres inspirées, on est saisi d’un trouble en découvrant l’exposition « Au-delà des étoiles ». Le sous-titre « Le paysage mystique de Monet à Kandinsky » interroge. Où est le mysticisme dans les cathédrales de Monet, dont la première salle montre quatre exemplaires ? Où est-il dans les vues de champs de bataille de la guerre de 1914-1918 ?
Au cours de la visite destinée à la presse, les deux conservatrices au Musée d’Orsay, Isabelle Morin-Loutrel et Béatrice Avanzi, co-commissaires au côté de Katharine Lochnan, de l’Art Gallery de l’Ontario, précisaient d’ailleurs que les artistes de la première salle (Monet, Kandinsky…) n’affirmaient pas de démarche spirituelle dans leur peinture, contrairement aux peintres canadiens et nordiques présentés plus loin. Le texte de la salle mentionne seulement qu’Evelyn Underhill, philosophe anglaise catholique, et Vassily Kandinsky ont « témoigné de [la] puissance émotionnelle des “Meules” de Monet dans leurs écrits. » Et l’introduction à l’exposition précise : « Répandu à la fin du XIXe siècle, le mysticisme est un phénomène lié à toutes les religions et les croyances, permettant d’approcher les mystères de l’existence dans l’unité avec la nature. Cette exposition se propose d’analyser comment le mysticisme a influencé la peinture de paysage à l’aube du XXe siècle jusqu’à favoriser la naissance de l’abstraction. » Il s’agirait donc de mettre l’accent sur une nouvelle vision du monde, induite par l’air du temps, conduisant les artistes à l’abstraction. Mais, à Toronto, le message était différent : l’exposition montrait « les expériences mystiques de 36 artistes de 15 pays, dont Vassily Kandinsky [et] Claude Monet. »
Détournement de foi
En réalité, « Au-delà des étoiles » est à l’origine un manifeste dont le Musée d’Orsay tente d’atténuer la portée, mais dont on peut se faire une idée en lisant le catalogue. Car Katharine Lochnan a le mérite d’y être claire. Pour elle, les artistes présentés sont des mystiques au sens propre du terme, celui qui fait référence à Jean de la Croix ou Thérèse d’Avila. Quant à Monet, intéressé par le Japon, il était… bouddhiste. Katharine Lochnan affirme que le livre Mysticisme. Étude sur la nature et le développement de la conscience spirituelle de l’homme (1911) d’Evelyn Underhill est sa « bible ». L’auteure estimait que l’univers (« la Création ») est habité par Dieu (ou « l’Être essentiel et transcendant ») et les vrais artistes sont ceux qui le recherchent à travers leur œuvre.
C’est à ces principes que l’on doit de voir mêlés dans cet accrochage les tableaux de peintres dont on sait – par leurs écrits ou des témoignages – qu’ils poursuivaient réellement une recherche spirituelle, aux œuvres d’autres artistes explorant simplement leur culture judéo-chrétienne ou qui, par curiosité, étaient en contact avec des idées nouvelles comme la théosophie. Un amalgame plus imputable à la foi qu’à la science de l’historien de l’art.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Orsay et Toronto, deux visions du mysticisme
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Au-delà des étoiles. Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Jusqu’au 25 juin, Musée d’Orsay, 1 rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris
Légende Photo
Claude Monet, Meules, effet de neige, soleil couchant, 1890-1891, huile sur toile, 65,3 x 100,4 cm, Art Institute of Chicago, Chicago. © Photo : Art Institute of Chicago.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°477 du 14 avril 2017, avec le titre suivant : Orsay et Toronto, deux visions du mysticisme