Chantre d’un « classicisme idyllique », Francesco Albani, dit L’Albane (1578-1660), a longtemps été considéré, à l’égal de Poussin ou Dominiquin, comme un maître du paysage. Et les Français, Louis XIV en tête, se sont montrés les plus sensibles à la peinture élégante et raffinée du Bolonais. Après un siècle et demi d’indifférence, l’idylle reprend grâce à l’exposition du Louvre.
PARIS - Il y a une certaine témérité, une sorte de défi au goût dominant, dans le projet d’une exposition consacrée à L’Albane. Si les Carrache, le Guide, Guerchin ou Dominiquin rencontrent encore les réticences d’une bonne partie du public, L’Albane a fortiori semble concentrer sur sa personne tous les griefs : “On lui a reproché sa fadeur, son manque de vigueur, explique Stéphane Loire, conservateur au département des peintures du Louvre et commissaire de l’exposition. C’est un art trop féminin, trop gracieux. On n’y trouve pas de violence ni de brutalité. Il a pourtant beaucoup compté pour les amateurs français et pour les peintres jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Il fut un modèle pour les peintres de Trianon.” Formé auprès d’Annibale Carrache avec lequel il a collaboré aux fameuses lunettes Aldobrandini, L’Albane est pourtant “un des principaux représentants du paysage idéal”. “Mais la nature qu’il dépeint n’est pas celle tourmentée de Lorrain ni celle qui domine l’homme du dernier Poussin.” Auteur du catalogue raisonné de l’artiste, publié l’an dernier, Catherine Puglisi a justement qualifié son art de “classicisme idyllique”. Des Métamorphoses d’Ovide, il a non seulement illustré les fables (Salmacis et Hermaphrodite, Apollon et Daphné, Actéon métamorphosé en cerf), mais il a admirablement ressuscité la nature mythique et intemporelle, les paysages d’un Âge d’or envolé, décrits par le poète latin. “Il était une vallée aux fourrés denses de pins et de cyprès aigus, nommée Gargaphié, consacrée à Diane, la chasseresse court vêtue. Dans sa plus lointaine retraite est un antre forestier, dont l’aménagement ne doit rien à l’art : la nature, par son seul génie, y avait donné l’illusion de l’art, car, avec la pierre ponce vive et le tuf léger, elle avait tracé la courbe d’une voûte naturelle. Une source transparente, à droite, fait entendre le bruit d’un filet d’eau, et remplit un large bassin entouré d’une ceinture de gazon.” Cet extrait de l’histoire d’Actéon, tiré des Métamorphoses, pourrait aussi bien décrire une composition de L’Albane. Pétris de culture classique, souverains et aristocrates ont naturellement recherché avec avidité ses œuvres, nombreuses au demeurant. Louis XIV avait conçu une véritable passion pour L’Albane : en 1710, il possédait trente et un de ses tableaux, aussi bien religieux que profanes, acquis à prix d’or. Héritier des collections royales, le Musée du Louvre possède donc “un ensemble assez cohérent, unique par son ampleur”, souligne Stéphane Loire. Mais, s’il est aujourd’hui dignement représenté dans la Grande Galerie, L’Albane a connu une longue période de purgatoire : toutes exposées au Louvre jusqu’en 1850-1860, ses œuvres ont été progressivement décrochées et certaines envoyées en dépôt dans les musées de province, à la fin du XIXe siècle. Le temps d’une exposition, elles reviennent à Paris autour de l’Histoire de Vénus. L’opportunité de redécouvrir ce jalon essentiel du classicisme entre Raphaël et Maratta !
- L’ALBANE 1578-1660, jusqu’au 8 janvier, Musée du Louvre, Salle de la Chapelle, 75001 Paris, tél. 01 40 20 51 51, tlj sauf mardi 9h-17h45, jusqu’à 21h45 le mercredi. Catalogue par Stéphane Loire, éd. RMN, 100 p., 80 ill. n&b et coul., 120 F.
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Ordre et beauté
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°111 du 22 septembre 2000, avec le titre suivant : Ordre et beauté