Avec son pavillon provocant à la dernière Biennale de Venise annoncé par un panneau publicitaire long d’environ huit mètres, l’Australie a entrepris de charmer l’Europe d’une bien étrange façon. L’exposition plutôt bizarre de Patricia Piccinini, peuplée de monstres hybrides, n’avait rien d’une opération séduction classique mais le battage médiatique et l’habile communication qui l’épaulèrent,
en firent une étape inoubliable, qu’on ait aimé ou pas. L’invasion australienne de Berlin a commencé au début du mois d’octobre, au sein de la foire d’art contemporain, et s’est prolongée dans différentes galeries de la ville jusqu’à la Hamburger Bahnhof qui accueille la présentation de quatorze artistes, érigés en figures de proue de la scène australienne internationale. Une fois encore la séduction du public européen passe par la confrontation comme le signifie le titre « Face Up », le face-à-face d’une culture avec ses racines qui lui semble toujours un peu plus éloignées dans une région dominée par l’Asie et le Pacifique. Il ne paraît finalement pas très évident pour ces artistes de composer ou même de s’identifier à une histoire de l’art occidentale compte tenu des distances géographiques. Le piège aurait été de célébrer un art exotique, mixage des esprits aborigènes aux techniques les plus avancées des hautes technologies asiatiques, d’exposer des images d’Épinal comme celles qui peuplent l’inconscient collectif européen vis-à-vis de la production artistique asiatique. Mais Guan Wei, Susan Norrie, Daniel von Sturmer ou encore Darren Siwes font voler en éclats ces poncifs et offrent la vision d’une scène nationale décomplexée, libre sans exagération. Dès l’entrée de cette ancienne gare dédiée à l’art contemporain sur 8 000 m2, le ton est donné. Les portes disparaissent derrière deux gueules béantes de requins blancs réalisés par Callum Morton, histoire de surfer sur les clichés. James Angus se sert d’une raie manta géante et immaculée en plastique flottant dans les airs pour questionner les idiomes artistiques de la taille, du matériau, de la masse, de la relation d’un objet à l’espace. Fiona Hall propose de drôles de plantes aux corps de TupperwareTM et de perles de verre, histoire d’explorer des sujets plutôt brûlants sur ce vaste territoire : les interférences entre nature et culture, les souvenirs troubles de la colonisation.
Ce dernier domaine est aussi au cœur du travail photo-sensible de Rosemary Laing, révélateur des traces insidieuses laissées par la colonisation capitaliste dans les étendues australiennes. L’Australie n’offre pas de mouvement cohérent mais une vision décentrée de la nôtre bien revigorante.
« Face Up : Contemporary Art from Australia », BERLIN (Allemagne), Hamburger Bahnhof, Invalidenstrasse 50-51, tél. 39 78 340, jusqu’au 4 janvier.
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Opération séduction
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°553 du 1 décembre 2003, avec le titre suivant : Opération séduction