À la galerie Antoine Levi, à Paris, l’artiste norvégien Olve Sande poursuit son exploration du potentiel des matériaux de construction dans l’élaboration d’un vocabulaire visuel.
D’où vient votre intérêt pour l’usage de matériaux de construction standardisés ?
J’ai fait des études d’architecture et les matériaux de construction ont donc toujours été pour moi un point de départ naturel. Ils font partie de notre environnement quotidien et je les ai donc toujours ressentis comme une manière immédiate de se confronter à la réalité. De plus ils sont toujours à pleine échelle et non pas une représentation de quelque chose d’autre. Travailler avec ces matériaux est une véritable expérience connectée à la construction et à l’habitat.
Dans cette exposition qu’avez-vous utilisé exactement et pour quelles raisons l’avez-vous choisi ?
Le matériau utilisé ici est un écran pare-vent. Il s’agit d’un mince tissu utilisé dans les constructions en bois afin de se protéger du vent à l’extérieur. Ces œuvres sont réalisées en versant une peinture à l’huile très fine sur l’arrière du tissu, et ce que vous voyez est l’infiltration de la peinture à travers la matière. Comme la plupart des matériaux que j’utilise, le pare-vent est normalement caché à l’intérieur ; pendant la construction on enveloppe tout l’édifice avec, de manière étanche. Pour insérer une fenêtre, on coupe et on enlève une plaque de tissu pour la remplacer par la fenêtre. C’est donc un matériau très lié à l’idée de transition, voire de transaction entre l’intérieur et l’extérieur. Le pare-vent est une barrière placée en situation de frontière entre exposition et protection, dedans et dehors. Le titre de l’exposition, « Guts, Draughts », fait référence aux mouvements du vent qui pousse et qui tire et menace de compromettre cette séparation.
Qu’est-ce qui a déterminé la forme de vos œuvres, et donc la manière dont vous les avez découpées ?
Ces pièces sont découpées de manière intuitive, mais toujours avec l’idée de fenêtres à l’esprit ; ces plaques de tissu en sont des doubles. Pour chacune de ces plaques, j’imagine une fenêtre quelque part ailleurs, comme la manière dont je pense à un escargot quand je vois une coquille vide ou à un bocal, quand je vois un couvercle.
Qualifieriez-vous vos œuvres de ready-made ?
Oui et non. Le processus de production de ces pièces tient plus de la production de matériaux bruts pour les œuvres, comme couper un arbre pour construire une table ou broyer des pigments pour une peinture. Les œuvres ont été réalisées à l’atelier, la plupart en même temps. Le travail artistique a consisté à en faire une sélection à la galerie afin de voir ce qui pouvait être fait avec ce matériau brut. Il s’agit donc d’un processus de contemplation et de sélection, plus que dans les œuvres ready-made. Et en même temps, dans ce projet, le processus de production du matériau brut me semble être significatif et je ne pense pas que ce serait la même chose s’il s’agissait d’objets trouvés. Beaucoup de mes œuvres peuvent sembler être des ready-mades, mais il y a toujours une petite intervention. Couper une plaque de placoplatre en deux ou en retirer deux d’une pile n’est pas loin d’un geste de sculpture.
Dans le choix que vous faites des matériaux avec lesquels vous travaillez, êtes-vous guidé par des aspects visuels qu’ils peuvent avoir, ou trouvez-vous des potentialités dans n’importe quels matériaux de construction ?
L’aspect visuel est toujours secondaire pour moi. En fait, si j’aime tout de suite un matériau je deviens très suspicieux face à lui et il doit vraiment faire ses preuves avant que je ne l’utilise. J’ai découvert le pare-vent plusieurs années avant de commencer à m’en servir. Je ne parvenais pas à comprendre ce qu’il représentait pour moi. Puis, il m’est revenu à l’esprit une fois de temps en temps, et de plus en plus souvent jusqu’à ce que je me décide à lui consacrer véritablement de l’attention et à voir ce que je pourrais en faire. Je le conçois comme une image de quelque chose et j’essaye de comprendre ce dont il s’agit exactement, ce que cela pourrait signifier pour moi, presque comme une allégorie ou une ligne dans un poème. C’est seulement quand je commence à percevoir ces implications que je commence à travailler physiquement avec. Il s’agit d’un processus très lent.
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Olve Sande : « Les matériaux permettent la confrontation à la réalité »
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 14 janvier, Galerie Antoine Levi, 44, rue Ramponeau, 75020 Paris, tél. 01 75 57 61 67, www.antoinelevi.fr, mardi-samedi 14h-19h.
Légende Photo :
Vue de l'exposition d'Olve Sande à la galerie Antoine Levi. © Photo : Aurélien Mole.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°470 du 6 janvier 2017, avec le titre suivant : Olve Sande : « Les matériaux permettent la confrontation à la réalité »