Art contemporain

Olafur Eliasson ou l’art à l’état vaporeux

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 25 septembre 2019 - 471 mots

LONDRES / ROYAUME-UNI

L’expérience sensorielle forte que procurent ses installations a une portée critique toute relative, en dépit de l’engagement revendiqué par l’artiste islando-danois.

Londres. En s’approchant de la Tate Modern, le visiteur découvre un spectacle étonnant. Un échafaudage isolé, sans aucune fonction apparente, est placé dans un bassin rond. L’eau qui ruisselle ou plutôt dégouline sur les tubes métalliques transforme l’ensemble en une fontaine improvisée, bricolée. Cette rencontre ironique entre nature et construction urbaine, réalisée pour la rétrospective londonienne d’Olafur Eliasson (dans la continuité de sa série des « Waterfall »), reflète parfaitement ses préoccupations écologiques.

La manifestation importante que lui consacre le musée n’est pas sans rapport avec le succès de son coup de maître de 2003, le Weather Project. Cette immense et très spectaculaire installation plaçait le public face à une luminosité éclatante au sein du Turbine Hall. Depuis, Olafur Eliasson a élargi sa palette, mais c’est toujours le rapport entre la nature et la technologie qui constitue le principal moteur de son inspiration. Il suffit d’écouter ses nombreuses déclarations à ce sujet pour constater qu’il fait partie de cette génération d’artistes soucieuse des dérèglements climatiques.

Le parcours londonien laisse cependant parfois le spectateur perplexe quant à la véritable portée critique de cette œuvre. Certes, Eliasson a fait fondre des glaçons sur le bord de la Tamise pour le vernissage de son exposition. Certes encore, des documents réalisés par l’artiste et son atelier-laboratoire, à savoir des photographies de glaciers prises à quelques années d’intervalle, montrent clairement le désastre annoncé. Parfois même, des fragments de la nature déplacés ou recréés artificiellement par Eliasson semblent, dans le cadre muséal, comme en exil. Cependant, le mur recouvert de mousse d’Islande – la patrie d’adoption de l’artiste né à Copenhague – forme un splendide tapis, constituant avant tout un dialogue avec la matière organique (Moss Wall, 1994). De même, l’arc-en-ciel que font naître les gouttes suspendues dans une pièce plongée dans le noir, une œuvre pleine de grâce, montre l’intérêt que porte Eliasson à la lumière et à ses effets. De fait, ici les couleurs se modifient selon l’emplacement du spectateur (Beauty, 1993).

La lumière mais aussi les structures cristallines, les déformations et les pertes de repère dans l’espace ou les formes géométriques sont étudiés par l’artiste au travers de collaborations avec des scientifiques, techniciens, architectes, philosophes et historiens de l’art. Ainsi, des installations qui intègrent des miroirs ou des structures complexes visent à produire une expérience sensorielle liée aux déplacements. Indiscutablement, celle qui attire le plus le public est un corridor long de 47 mètres envahi par un brouillard d’une densité variable (Your Blind Passenger, voir ill.). Le spectateur, englobé dans une œuvre qui s’étend dans l’espace, se mue en explorateur d’un territoire semé d’embûches.

Un écho lointain au land art où la matière se dissoudrait en lumière ou un clin d’œil au fog londonien ?

Olafur Eliasson, In Real Life,
jusqu’au 5 janvier 2020, Tate Modern, Millbank, Londres.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°529 du 20 septembre 2019, avec le titre suivant : Olafur Eliasson ou l’art à l’état vaporeux

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