Olafur Eliasson ne pouvait rêver meilleur timing. Tandis que le monde enregistrait des températures caniculaires, signe du réchauffement climatique, l’artiste militant écologique inaugurait son exposition rétrospective à Londres.
L’engagement d’Eliasson en faveur de la nature et du climat est connu depuis longtemps. En 1994, déjà, l’artiste créait son Moss Wall, un mur recouvert d’un monochrome vert de lichen pour montrer la beauté de cet organisme vivant, autant que sa fragilité. C’est beau, cela sent bon, mais le champignon se rétracte et perd de sa couleur en se desséchant… Une nouvelle version de Moss Wall ouvre quasiment l’exposition de la Tate Modern, qui déroule une sélection de pièces des années 1990 à 2019. Les différents jeux d’Eliasson, sur les effets de lumière, les reconstitutions atmosphériques ou les projets de développement économique sont ici présentés, avec plus ou moins de magie. L’artiste n’est en effet jamais plus efficace qu’en dehors des salles labyrinthiques d’un musée ; à Londres, l’enchaînement des œuvres peut parfois faire penser à un parc d’attractions… On en prend aisément son parti, lorsqu’il s’agit de traverser Your Blind Passenger (2010), long couloir d’un brouillard orangé à couper au couteau. Quel couteau ? Celui du peintre. Car cette rétrospective montre qu’Olafur Eliasson, « artiste atmosphérique », appartient finalement plus à la famille des peintres qu’à celle des installateurs. Ses recherches sur l’optique, la géométrie, la couleur, l’ombre et la lumière le placent en effet dans la généalogie des peintres humanistes. Olafur Eliasson en Léonard de Vinci de l’Anthropocène ? Si le second voyait le monde en démiurge, le premier se propose en tout cas aujourd’hui de le sauver.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°727 du 1 octobre 2019, avec le titre suivant : Eliasson, "peintre" et sauveur du monde