Critique d’art et essayiste, Régis Durand a conçu au Musée d’art moderne de Villeneuve d’Ascq une exposition ambitieuse qui se propose d’examiner l’évolution du statut de l’image. Onze œuvres picturales, cinématographiques et photographiques illustrent \"Le monde après la photographie\".
VILLENEUVE D’ASCQ - "Comment, interroge Régis Durand dans le long essai du catalogue, retrouver le ‘corps’ du réel sous le glacis des images ? Comment réintroduire en elles l’acuité de l’instant, d’une perception, d’une temporalité et d’un désir individuels ?". La multiplication et la banalisation des images photographiques ont évidemment changé notre perception, modifié le statut et la vocation mêmes de l’art, brouillé du même coup le rapport de l’homme moderne au réel. Robert Smithson avait, en 1969, crédité la photographie de l’affaiblissement du concept de nature et de la muséification du monde. Le Land Art était évidemment le meilleur moyen à ses yeux de retrouver les conditions d’un rapport direct au réel.
Depuis que l’utopie dans sa fonction critique est réputée inadéquate, les artistes ont mis au point d’autres stratégies pour endiguer l’entropie qui menace toute production d’image. "Le monde après la photographie, explique encore Régis Durand, c’est donc celui où les images se reversent sur la réalité, dans un processus qui semble s’accélérer jusqu’à l’implosion." Gerhard Richter est ici présenté comme l’un des initiateurs de ce renversement, de cette mise à distance radicale des pouvoirs simples de l’image. Il n’est pas certain, cependant, que le programme de Richter – "faire des photographies par le moyen de la peinture" – ait été à même de dépasser la rhétorique moderniste et de retrouver une pertinence politique et historique.
L’hystérie des images
La seule réponse à l’hystérie des images est sans aucun doute le ralentissement, et le cinéma, de ce point de vue, a quelques outils qui lui permettent une réflexivité efficace. La présence incongrue dans un musée d’un film de Jean-Marie Straub et Danielle Huillet, Trop tôt, trop tard, se justifie pourtant pleinement. Comme se justifient plus encore les vidéos de Harun Farocki et celles, exemplaires, de Stan Douglas, qui enregistrent moins des images qu’elles ne rendent sensible l’écoulement du temps de l’histoire. Que l’histoire soit proprement politique, fictive ou narrative, l’un et l’autre attaquent avec rigueur et subtilité ses fondements idéologiques.
Comme on devait s’y attendre, l’exercice est plus difficile quand l’image reste fixe parce qu’il devient inévitablement démonstratif. À différents égards, c’est l’impasse à laquelle aboutissent Dennis Adams, Lewis Baltz ou Bruno Yvonnet. Leurs œuvres ne se donnent pas et n’ont pas le temps d’imposer autre chose qu’une dénonciation. Jochen Gerz, Hannah Collins ou Hiroshi Sugimito, qui n’évitent pas toujours le maniérisme, retrouvent la meilleure critique positive en retrouvant, tout simplement, la durée du regard.
LE MONDE APRÈS LA PHOTOGRAPHIE, Musée d’art moderne de Villeneuve d’Ascq (Tél. : 20 05 42 46), jusqu’au 1er octobre. Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 10h à 18h.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Nouvelles images du monde
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°16 du 1 juillet 1995, avec le titre suivant : Nouvelles images du monde